mercredi 25 avril 2012

Ampoules, seaux, bonbonnes et abat-jour


Photographies de Bill Culbert 
Sun Frosted Bulb, 1992 (nb 40x40 cm) - Sun Lit Bulb, 1992 (nb 40x40 cm) - The Last Incandescent Light Bulb, 2009 (glass, light bulb, box 30 x 12 cm) - Sun, Glass/Wine, 1992 (nb 40x40cm) -Vin Real, 1996 (RC-print 41 x 41 cm) - Wine Bonbonne with oak tree, 2002 (RC-print 41 x 41 cm) - Winework, 1992 (nb, épreuve unique, 183x183 cm)





La lumière est l'instrument de Bill Culbert. Son sujet et son matériaux à la fois. Source et objet. Sources de lumière et objets, ampoules, néons, soleil. Son objet théorique est-il l'abat-jour ? Lui qui renverse la perspective et articule la lumière

Photographies de Bill Culbert
Sunset I, 1990 (couleur, épreuve unique, 100x150 cm)- Wine glass with window, 2005 (RC-print 41 x 41 cm) - Wine Bonbonne, 2002 (RC-print 41 x 41 cm) - Bulb shadow I, 1975 (nb 19x19 cm) - Sunset III, 1992 (couleur, épreuve unique, 100x150 cm)

"Des récipients, des réceptacles, des brocs, des verres... La qualité réfléchissante du verre évoque un fluide. La lumière elle-même est fluide, à sa façon de glisser sur les surfaces. Mais contrairement aux liquides, elle ne subit pas la contrainte de la pesanteur... La fenêtre agit comme l'ouverture d'un diaphragmme : c'est un lieu de passage de la lumière...
A mesure que l'ombre avance, elle devient plus grande. C'est tout le contraire de ce que l'on voit quand on regarde par la fenêtre. La lumière renverse la perspective. Lorsqu'une lumière projette une image, les dimensions de celle-ci croissent avec la distance. Un jour, je me suis trouvé à une table avec une vingtaine de personnes. Peut-être même une trentaine ou une cinquantaine de chaque côté de la table. On passait un film. Il y avait donc un projecteur à un bout de la table. A l'autre bout, la lumière du projecteur agrandissait réellement l'image, alors que les gens devenaient de plus en plus petits. La lumière équilibrait le champ de vision. C'était passionnant."
Extrait de l'entretien de Bill Culbert avec Yves Abrioux dans le catalogue Entre chien et loup, frac Limousin, 1995

 Abat-jour / Seau, 1992 (9 photographies couleur, 40 x60 cm)

"Un seau est quelque chose de directionnel : il contient un liquide et il le verse. L'abat-jour qui a presque la même forme que le seau sert à articuler la lumière. A la canaliser. Je m'en suis souvent servi ; des ossatures d'abat-jour aussi. Ce sont des choses qui impliquent réellement l'espace, comme le Space Modulator de Moholy-Nagy, par exemple, ou son Space Light Machine. L'abat-jour est un modulateur d'espace. Je peux me débarrasser de la lampe et me servir de l'ossature. C'est quelque chose de très beau et qui paraît intemporel. Les abat-jour ressemblent à des vaisseaux spatiaux ; ils ont l'air d'avoir quelque chose à voir avec l'avenir. Peut-être ont-ils toujours eu cette allure. Regardez-les, prenez-les entre vos mains : cette forme conique se rattache à notre physiologie."
Extrait de l'entretien de Bill Culbert avec Yves Abrioux dans le catalogue Entre chien et loup, frac Limousin, 1995

Bill Culbert, Cascade, bidons platiques et tubes fluorescents, 1986

vendredi 6 avril 2012

Picturediting#4, Palais des arts

Picturediting#4, 22 et 23 mars 2012, avec les étudiants en photographie et en vidéo et les étudiants de l'unité danse de l'école des beaux-arts et du spectacle vivant de Toulouse.

Documents Photographiques de Léa Pagès et Julie Biesuz

Pendant deux jours Picturediting a ouvert, dans le Palais des Arts, de l'Ecole des Beaux-arts de Toulouse l'espace du montage d'images et de l'exposition à la présence des filmeurs et des danseurs. Il s'agissait de combiner le mouvement des images, leur montage et leur déplacement (du sol au mur), la pensée des photographes élaborant un espace commun, leurs gestes aussi, avec le mouvement des caméras et celui des danseurs. Tous travaillaient ensemble autour de ces objets, physiques, que sont les photographies.

Investissant le même lieu, danseurs, filmeurs et photographes ont tenté de reconfigurer l'espace investi aussi par le public. L'espace de circulation des corps et des appareils dans lequel l'attroupement des spectateurs redessinait parfois une "scène" était traversé par les mouvements d'appareils, chariots roulants, patins à roulettes, échafaudage brisant la masse compacts des visiteurs, redistribuant l'espace en constellations momentanément non hiérarchisées.

Prise de son que l'on regarde, photo que l'on écoute se dérouler, mouvement d'un corps qui dédouble une image ou s'installe sous un trépied.

C'est un ballet d'un genre nouveau qui a eu lieu là. En trois mouvements : accrochage, exposition, démontage. Avec un final somptueux qui a révélé le vide et la puissance des corps. Ce ballet était exécuté par des danseurs mais aussi par des photographes conscients, soudain, du poids réel de leurs images et par des filmeurs expérimentant toutes les façons de glisser pour exécuter un travelling.

Voilà l'enjeu, que la puissance des uns révèlent aux autres un potentiel d'action et de perception. Et réciproquement.


Les photographies de l'événement sont visibles :
sur la galerie de Léa Pagès
sur la galerie de Julie Biesuz

mercredi 4 avril 2012

Géographie concrète


Xavier Ribas, Incidents (détails), 2005
La Telefónica Foundation à passé commande, en décembre 2005, à huit photographes, d'un travail sur le futur site du nouveaux quartier général de l'entreprise, à Madrid. Le site était encore en construction.
Xavier Ribas a réalisé une série de 50 photographies : Incidents (sur le site, cliquez sur Incidents dans le menu à gauche)
Incidents est inspiré des neuf photographies intitulées "Comment composer un numéro de téléphone. Instructions photographiques" de la collection de la Telefónica Foundation, réalisées par Alfonso en 1926 (dont la méthode et l'esprit sont aussi repris par John Gossage). L'image photographique essaie de fonctionner, dans le cas d'Alfonso et dans ce cas, comme le mode d'emploi d'un nouvel objet technologique destiné à changer les habitudes quotidiennes, même si cet ensemble d'instructions ne nous aide pas vraiment à comprendre la logique de son fonctionnement, ou sa destination. Avec le temps, les objets technologiques semblent s'être dématérialisés, comme s'il était impossible de réparer les objets de la façon dont ils ont été fabriqués. Les objets technologiques contemporains semblent se situer hors du temps, ou bien est-ce que leur temps ne coïncide pas avec notre temps biologique.
Dans le passé, les objets technologiques avaient un impact dans la vie sociale par la réelle familiarité que nous entretenions avec eux dans le quotidien. Maintenant, au contraire, nous ne nous les assimilons plus qu'en tant que ruines : quand nous parvenons à avoir prise sur eux, ils sont déjà obsolètes. Il semble que nous ne puissions pas rattraper la technologie, nous pouvons seulement l'assimiler comme une relique : nous abandonnons des objets technologiques qui sont encore nouveaux.
Quels sont les composantes de ce nouvel appareil technologique en cours de construction ? De quoi est-il fait, cet "avenir du travail", tel que l'envisage la littérature d'entreprise ? Et qu'est-ce qui sera déplacé ou éliminé, tant en ce qui concerne le passé du chantier, que ses futurs possibles ? J'ai proposé de faire une archéologie du chantier. Mon fils de neuf ans (en effet, nous parlons de son avenir ici), a ramassé des fragments de matériaux et d'objets, trouvés sur le chantier et nous les avons photographiés sur place. Ces objets trouvés peuvent provenir de ce qui était déjà sur le site avant que le chantier commence, ou bien être des fragments des matériaux du nouveau bâtiment, des restes et des rebus de sa fabrication. En un sens, l'enfant part en reconnaissance dans le futur qui lui sera proposé en tant qu'individu productif.
Incidents traite d'un espace et d'un temps suspendus. "Avant" et "après" se chevauchent, passé du lieu et futur du bâtiment : Qu'y aura t-il ici quand le bâtiment finalement s'effondrera ? Les images tentent de rendre visible cet état de suspension, elles cherchent à lui donner une forme en reliant ces objets apparemment aléatoires, comme trouvés par hasard. À l'arrière-plan, les structures à moitié construites renvoient au futur bâtiment, tout comme une ruine renvoie à un bâtiment qui s'est déjà effondré. Déplacement, construction et ruine, mélangées, incompréhensibles. (traduction fg et pp)


Installation de Incidents à la Fundación Telefónica, Madrid, Sept 2007