mercredi 21 septembre 2022

La table de Gerhard Richter

Gerhard richter
Domus, no. 321 et Gerhard Richter, maquette pour Tisch (Table), 1959 (40 x 30 cm)
Gerhard Richter, Tisch (Table),1962, 90 x 113 cm

La pratique de Richter dans les années 1960 est très liée à celle de Rauschenberg. Tous deux utilisent le solvant [A-Muse ou la maquette de Tisch (Table)] pour agir sur l'encre de l'image imprimée. Rauschenberg transfère les images du journal ou de la revue vers la toile. Richter travaille sur le support de l'imprimé en brouillant les images originales. Le traitement par Richter des photographies de Untitled (Chair) ou de la maquette pour Tisch (Table), vise à interroger le statut de la peinture. Son intervention aboutit à la juxtaposition de deux types de signes : d'une part, des formes gestuelles non objectives, et de l'autre, des formes figuratives clairement délimitées et réalistes.

Richter a-t-il vu les transferts de Rauschenberg ? Il vit en RDA jusqu'en 1961, Rauschenberg expose à Düsseldorf en 1960 et montre trois Combines : Bed (1955), Thaw (1958) et Kickback en 1959, à la Documenta de Kassel. Quoi qu'il en soit, son compère Konrad Fischer-Lueg les a bien vues et utilise dès lors lui-même les techniques de transfert d'images. En 1963 Richter décrit ses propres découpages d'images et son utilisation des solvants. Il macule. Il marque d'une tache. Il efface et il inscrit. 

Tandis que Rauschenberg s'attachera à la profusion des images qui peuvent désormais être articulées par les transferts, un "jeu alléchant de gestes et de copies, d'inscriptions et d'empreintes ", Richter s'attarde sur l'image unique et son surgissement en tant que photo-peinture. Il réalise, à partir de ces manipulations, son premier tableau : Tisch (Table) en 1962. Peinture et photo sont liées par un geste visible de réduction de la lisibilité de l'image. Il y a deux espaces autonomes, et pourtant de même substance, la surface d'inscription et la profondeur de la représentation.

Gerhard Richter, Untitled (Chair) avec les documents d'origine, 1963, solvant sur papier imprimé (40 x 30 cm)
Gerhard Richter, Untitled, 1962, solvant sur papier imprimé, Harvard Art Museums

"La photo de la Table venait, je crois, d'un numéro du magazine de Design Italien Domus. J'ai commencé à peindre, mais le résultat ne m'a pas convaincu et j’ai collé du papier journal par-dessus. On peut encore voir, par endroits, les traces du journal là où il a adhéré à la toile fraîchement peinte. Mais le tableau me plaisait encore moins qu'avant et j'ai entrepris de le recouvrir de peinture. Tout d'un coup, il a pris une tournure qui m'a plu et j'ai eu le sentiment qu'il ne fallait plus y toucher, même si je ne savais pas pourquoi" 1991 

L'élément paradoxal, producteur de sens, que Richter met en œuvre, est ce geste, à la fois d'effacement et de recouvrement, moins et plus à la fois.

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