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Francis Alÿs, Camgun #73, 2008 |
Les chargeurs des armes de Francis Alÿs sont des bobines de cinéma. On charge ces mitraillettes avec des images. Elles sont posées au sol, parfois leurs courroies en plastique d'un jaune sinueux leur confère une certaine légèreté, voire élégance. Guerre des images aussi. Fausses armes et fausses images suggérées par l'obsolescence des bobines de film 16 mm. Les Camguns d'Alÿs ont été en partie inspirés par les armes simulées utilisées par l'armée zapatiste lorsqu'elle est apparue sur la scène mexicaine en 1994. Comme les armes en bois des Zapatistes, décrites par la presse comme des jouets ou des répliques d'armes, les Camguns fonctionnent comme des allégories : délibérément symboliques, elles incarnent un désir de remettre en question l'autorité et de contrer la violence. De purs gestes. |
Sylvie Réno, Kalashnikov, 2016, carton ondulé |
Il y a des périodes, fabriquer quarante kalachnikovs ne lui fait pas peur. Et à la main. Comme ça. Pas forcément parce qu'elle est en colère. C'est sa façon. Elle exécute assez vite ses armes si l'on tient compte du délai de fabrication. Quarante kalachnikovs en quinze jours, c'est raisonnable. En carton les kalachnikovs. (... ) Elle reproduit des armes en carton. Ce qui est destiné à détruire sera fragile. Des chars en carton. Des navires de guerre en carton. De ce carton dont nous sommes entourés. Elle a choisi la légèreté. La légèreté et l'éphémère. Ce qui dure lui pèse maintenant. Le lourd lui pèse. (…) D'abord des esquisses, des croquis. Beaucoup de gabarits et de maquettes. Puis des catalogues pour la précision. Elle utilise de la documentation. Elle accumule les revues sur les armes, les revues pornographiques, les ouvrages techniques sur les bateaux de guerre, les revues d'animaux, les prospectus publicitaires.
Jean-Pierre Ostende, catalogue Lundi jamais (Sylvie Réno), 1998
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Richard Baquié, Pistolets, 1983 - Mitrailleuse, 1989 |
Richard Baquié travaille spécifiquement à dépecer, dénombrer, sélectionner les différentes composantes d'une Vanité à la mesure d'un monde révolu. "La faillite de la représentation, c'est l'approche d'un état de guerre. Chez un artiste, l'acte est souvent désespéré et violent… Suis-je un artiste terroriste ou un terroriste artiste ?" Le bricolage pour l'artiste est une façon de s'inscrire dans un continuum, un ravaudage du tissu social et de l'imaginaire collectif dont les pôles opposés pourraient être la décharge et le musée. Michel Enrici, catalogue Richard Baquié, Mac, Marseille.
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Claes Oldenburg, Ray Gun Rifle, 1960 |
Ray Gun a ses paradoxes : le pistolet à rayon de Claes Oldenburg (ray gun) est à la fois un moyen de survie et un moyen de destruction. Un objet phallique, une arme de défense, d'agression… "La culture américaine, d'abord je la déteste. Mais, je ne cherche ni à l'éviter, ni à l'aimer. J'essaie de trouver ce qu'il y a d'humain en elle."
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Étienne-Jules Marey, fusil photographique, 1881 |
Le fait de photographier (je ne parle pas des photographies à finalité esthétique ou expérimentale) ressemble à un assassinat, au couperet de la guillotine qui, grâce à un ingénieux système de ficelles, nous tire le portrait une fois pour toute - on appelait d'ailleurs "photographe" l'aide bourreau qui maintenait, pendant une exécution, la tête du condamné en dehors de la lunette de la guillotine. J'ai toujours trouvé beaucoup de sens à un épisode du Lotus bleu, de Hergé, où un bandit chinois, sous prétexte de photographier Tintin et son nouvel ami Tchang, dirige à partir de son dispositif photographique non pas un flash mais une rafale de mitraillette : "Haut les mains, bandit, réplique Tintin qui n'est que blessé et possède un revolver, ou je vous "photographie" à bout portant".
Clément Rosset, Fantasmagories, p.33-34, éditions de Minuit, 2006 |
André Robillard, sans titre (Fusil Chinois), 1985 |
Dubuffet fait don de sa collection à la municipalité de Lausanne. Le musée de l'Art brut voit le jour en 1976. André Robillard reçoit alors une carte postale de son directeur représentant un de ses fusils. C'est le déclic. Il se remet au travail et ne cessera plus de construire des armes, «pour tuer la misère» et «pour passer le temps», souligne-t-il. «L'art l'a sauvé», assure Philippe Lespinasse.
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Francis Alÿs, Camgun # 63, 2005-2006 |
Cette série d'assemblages a été réalisée lorsque l'artiste « explorait l'idée de la caméra comme arme » pour sa vidéo El Gringo, mais les jeux d'enfants tiennent une place significative dans le travail de l'artiste.
Imiter la sirène d'alerte fait aujourd'hui partie des jeux des enfants en Ukraine :
Siren de Francis Alÿs : ici
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Daniel Dezeuze, Armes de poing, 1986-1989 (40 pièces) |
Ce ne sont pas des armes de collection. Ces armes sont faites dans certaines conditions. C’est vrai que l’activité manuelle ou physique qui s’y trouve concentrée a une grande importance pour moi. L’aspect nombreux est également très important. Mais aussi l’aspect anachronique. Ce sont des armes sans pouvoir réel. Les exhiber, c’est montrer qu’elles sont inoffensives. C’est parce qu’elles appartiennent à une époque révolue de l’arme qu’il m’est possible, en toute liberté, de les traiter. Elles contiennent un nœud, une énergie ramassée, à la portée de tout le monde. Daniel Dezeuze
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Susan Graham, My Dad's Gun Collection, Pistolet à un coup 223 Thompson Center Contender (avec lunette), porcelaine émaillée |
Collection de fusils de mon père est une série qui vient du souvenir que j'ai gardé d'un fusil de mon père que j'ai vu alors que j'étais très jeune. J'ai appelé mon père et je lui ai demandé de me donner une liste des armes qu'il possède. J'ai vu qu'il en avait 14 en tout et que cette collection reflétait les différents usages d'une arme à feu dans la culture américaine. Les carabines et les fusils sont destinés à la chasse, tandis que les armes de poing reflètent la peur d'un intrus ou d'un danger — on les achète pour se protéger. Une ou deux de ces armes sont probablement des objets de collection. J'ai commencé à fabriquer des fusils. J'avais déjà travaillé la sculpture avec des matériaux délicats tels que le sucre et la porcelaine, leur blancheur et leur fragilité confère à tout ce que je réalise ainsi une qualité éthérée. (…) Ces sculptures d'armes sont en dentelle, blanches et légères (…) Le message contradictoire envoyé par un objet dangereux comme un pistolet fabriqué dans un matériau fragile comme le sucre ou la porcelaine est le reflet de mes propres sentiments contradictoires de désir, de nostalgie et d'appréhension à l'égard des armes à feu.
Ray Gun, faire ses armes (1)
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