jeudi 29 décembre 2022

Analogital

Steven Pippin, Baltic Sea (Wave-Particle Duality), 2006

Steven Pippin, Greenwich Meridian, 2006-2007

L'idée de la série Analogital vient de l'avènement de la photo numérique à la fin des années 1980. À cette époque, des débats controversés opposaient les avantages du numérique à ceux de l'analogique. On s'est d'abord demandé lequel des deux procédés était le meilleur et le plus fidèle à la réalité, puis finalement si ces discussions avaient réellement de l'importance. Mon but premier était de réaliser une photographie qui utiliserait d'abord les deux supports séparément, en photographiant un même sujet simultanément avec un appareil numérique est un appareil analogique, puis d'assembler les deux différents tirages en une seule image, de part et d'autre d'un axe vertical médian, en intégrant parfois des axes naturelles tel qu'une ligne d'horizon ou bien le méridien de Greenwich où la longitude est définie comme égale à 0°. 

Deux appareils, un Canon 35 mm AEI analogique et un Samsung (5 mégapixels) numérique, muni d'une carte SD, ont photographié exactement en même temps le même sujet. Le C-print, tirage obtenu à partir des négatifs couleurs d'une pellicule Fuji 100 ASA, et le tirage jet d'encre ont alors été réunis de part et d'autre d'un axe. La rencontre entre médium analogique et médium numérique fait écho à la rencontre de la mer et du ciel ou bien à la frontière urbaine et cosmopolite qui se heurte à la nature. 

L'image de la mer Baltique réunit deux formats en une image singulièrement homogène, prise par un appareil numérique plus ancien, accusant un léger retard entre le déclenchement et l'obturation. Cette image est la seule, parmi environ 300 prises de vues, sur laquelle les vagues de la version analogique et celle de la version numérique sont parfaitement alignées, pour donner une seule image synchrone. C'est dans cette photo que la métaphore de la dualité onde-particule vient à l'esprit, sans qu'il soit nécessaire de distinguer les formats (analogique et numérique) ni de les aligner d'un côté ou de l'autre en fonction d'un sujet particulier. 

Le méridien de Greenwich, où la longitude est définie comme égale à 0°, parcours les jardins de l'observatoire selon un axe nord-sud ; à l'arrière des principaux bâtiments, la ligne du méridien traverse une route modeste et est signalée par un vulgaire alignement de pavés. Cette rencontre aléatoire entre le paysage organique des jardins est une ligne géographique "théorique" très précise plante le décor de cette photo composite. l'Ouest (le côté gauche de la photo) tournée vers la modernité et le capitalisme, semblait mieux s'accorder à la notion de numérique, tandis que l'Est (le côté droit de la photo), correspondait mieux au concept de l'argentique. La photographie composite Greenwich Meridian démontre, elle aussi, que l'assemblage par collage des deux formats n'a plus de raison d'être et que les deux images séparées coïncident tellement bien qu'on obtient en fait une unité parfaite. ici aussi, le point central de la photo la division Est/Ouest dans les jardins de Greenwich (de part et d'autre de la ligne pavée qui traverse la route goudronnée) ligne bien sûr arbitraire dans son emplacement, et pourtant devenue une norme universelle, point de référence, selon tous les systèmes de navigation terrestre.(Steven Pippin, 2008)

Steven Pippin, Corner, 2007

L'angle représenté sur cette photo pousse le concept de l'analogital encore plus loin grâce à l'utilisation de trois formats dans la production de l'image. Comme sur les clichés "argento-numériques" précédents, l'un des deux côtés de l'image a été pris par un appareil numérique puis a fait l'objet d'un tirage jet d'encre, tandis que l'autre a été pris par un appareil analogique et a fait l'objet d'un tirage argentique sur du papier photo couleur. La partie de plafond place dans l'angle, à mi-distance entre les deux murs, a été photographiée avec un appareil analogique, mais elle a ensuite été scannée et a fait l'objet d'un tirage Lambda, une technologie qui se situe donc à mi-chemin entre l'analogique et le numérique. 

Steven Pippin, Schéma du processus de la "dualité onde-particule" en œuvre dans les photos.

On remarque que, pour avoir le même point de vue, les deux appareils sont disposés perpendiculairement l'un par rapport à l'autre. L'appareil analogique fait face au sujet, un miroir à 45° obstruant la moitié droite de son objectif. L'appareil numérique est disposé à gauche, perpendiculairement, face au miroir qui lui renvoie la partie du sujet que l'autre appareil ne peut capter du fait de la présence du miroir. Chaque appareil photographie donc uniquement la partie qui le concerne.


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