jeudi 27 février 2025

Intelligence liquide

Koji Takashima, Japon, 1951
Jeff Wall, Milk, 1984, caisson lumineux, 187 x 229 cm

Dans Milk, comme dans quelques autres de mes images, les formes naturelles complexes jouent un rôle important. L'explosion du lait depuis son contenant prend une forme difficile à décrire ou à caractériser, mais qui suscite de nombreuses associations d'idées. Une forme naturelle, dans ses contours imprévisibles, est l'expression de changements qualitatifs infinitésimaux. La photographie semble parfaitement adaptée pour représenter ce genre de mouvement ou de forme. Cela tient, selon moi, à ce que l'action mécanique d'ouverture et de fermeture de l'obturateur— constitutive de l'instantané qui s'obstine dans toute photographie — est un mouvement à l'exact opposé de ce qu'est, par exemple, l'écoulement d'un liquide.

Rodney Graham l'a parfaitement représenté dans Two Generators, où il montre l'écoulement d'une rivière de nuit sous un éclairage artificiel. Il y a une relation logique, une relation de nécessité entre le mouvement d'un liquide et les moyens de sa représentation. Et on peut dire qu'il en est ainsi pour toutes les formes naturelles : la photographie les rend captivantes car leur relation avec l'ensemble de l'édifice, l'ensemble du dispositif et de l'institution photographique est, bien sûr, emblématique du dilemme entre technologie et écologie dans le rapport à la nature. Je vois parfois cela comme une confrontation entre ce que l'on pourrait appeler "l'intelligence liquide" de la nature et le caractère vitré et relativement "sec" de l'institution photographique.

L'eau joue un rôle essentiel dans la fabrication des photographies, mais on doit la contrôler précisément et aucun débordement n'est autorisé hors des lieux et temps qui lui sont dévolus dans le processus, sous peine de ruiner l'image. Vous n'avez pas envie qu'il y ait de l'eau dans votre appareil photo, par exemple !

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Jackson Pollock, photographié par Hans Namuth, 1950 — A Bigger Splash, David Hockney, 1967   

 « Au sol je suis plus à l’aise. Je me sens plus proche du tableau, j’en fais davantage partie ; car de cette façon, je peux marcher tout autour, travailler à partir des quatre côtés et être littéralement dans le tableau. C’est une méthode semblable à celle des peintres Indiens de l’Ouest qui travaillent sur le sable. » Jackson Pollock 

« Quand on photographie une éclaboussure, on gèle un moment et ça devient autre chose. J'ai réalisé qu'on ne voit jamais une éclaboussure de cette façon dans la vraie vie, ça va trop vite. Ça m'a amusé et j'ai décidé de la peindre très, très lentement. » David Hockney