jeudi 27 septembre 2012

Archéologie de la photographie (4) La Mesure


Françoise Goria, Archéologie de la photographie (4) La Mesure 1991-2012
photogrammes sur aluminium

lundi 24 septembre 2012

Leçon d'économie (1) Eric Rohmer


André S. LABARTHE,  "Rohmer, preuves à l’appui"... par plugoff

Éric Rohmer, devant la caméra d'André S. Labarthe, montre à Jean Douchet le matériel lumière qu'il utilise. 

- 2 "valises", une noire et une rouge
- des "calques" blancs et bleus
- 2 mandarines 800 watts avec leurs pieds
- 1 lampe
- un pied
- un tube lumineux de 1000 watts
- des multiprises
- 1 rallonge
- 1 projecteur caméra
- 1 carton à dessin tapissé d'aluminium

samedi 22 septembre 2012

technique / a-technique


Joachim Mogarra, Concetto spaziale, 1994
Harun Farocki, Still Life, film 56mn, 1997

François Brunet, La naissance de l'idée de photographie, puf, 2000
Vilem Flusser, Pour une philosophie de la photographie, Circé, 1996
François Brunet s'attache à montrer comment, alors que la photographie, considérée d'abord comme une invention, implique la notion de technique (appareils, procédés...), son processus de divulgation, au xixéme siècle, a été  accompagné par la propagation d'une idée qui vient contredire son statut technique. C'est ce qu'il appelle l'idée de photographie. Selon cette idée, l'image photographique est essentiellement naturelle et a-technique. Elle relèverait de la "reproduction spontanée" des objets de la nature. Ce serait donc un art sans techné, une "peinture solaire" dont chacun peut se saisir : "Le plus maladroit fera des dessins aussi exactement qu'un artiste exercé." La photographie sera donc par excellence un art démocratique. Art sans art, art pour tous.

Vilém Flusser montre comment la photographie fait partie des images techniques produites par des appareils. L'objectivité apparente des images techniques est illusoire et dangereuse. Elles sont tout aussi symboliques que les images traditionnelles mais d'une façon beaucoup plus abstraites car elles sont des métacodes de textes qui signifient non pas le monde du dehors mais d'autres textes. Le codage des images techniques a lieu à l'intérieur du complexe "appareil-opérateur", complexe qui demeure caché : "black box". C'est cet intérieur qu'il faut élucider pour ne pas rester analphabètes de l'image. Les photographies non déchiffrées apparaissent comme reproduisant les états de choses du monde du dehors comme si elles s'étaient reproduites "d'elles-mêmes" sur une surface. En l'absence d'un point de vue critique les photographies s'acquittent de leur tâche : programmer magiquement le comportement de la société dans l'intérêt des machines.


Paratodos, photo Goria, 1998
Il faut que la photographie soit un art démocritique.

dimanche 16 septembre 2012

Il "apporte son corps".


Photographie de Raoul Hausmann en danseur par August Sander, 1929 
Photographie (sans titre 1927-1933)
et photogrammes (sans titre1950) de Raoul Hausmann 
Coupure de presse, 1926, Le Superdada danse l'Oxfordhose




Nous ne sommes pas des photographes

" (...) Notre vision, formée par l'art, doit symboliser les relations spatiales des corps. Comme en plastique ou en peinture nous ne pouvons reproduire que relativement la pénétration réelle de la vision vivante ; nous devons nous résigner aux limites de leurs formes d'expression. Nous ne pouvons pas nous restreindre à une méthode, aussi séduisante soit-elle ; qu'elle soit basée sur la géométrie euclidienne, la perspective ou les formules arbitraires de l'expressionisme ou du futurisme. Ce sont là des problèmes de la photographie, plus exacte et plus juste que notre oeil qui devrait être vivant et dynamique.
La vision, quand elle est créatrice, est la configuration des tensions et des distensions des relations essentielles d'un corps, que ce soit homme, bête, plante, pierre, machine, partie ou entité, grand ou petit : elle n'est jamais le centre froidement et mécaniquement vu. Mais, par les dimensions de l'espace, elle est réduite à l'essence qui appartient aux choses ou aux corps. Elle est contraste qui nécessite son complément. La mécanique morte ou notre vue déterminée par Newton n'est ni la vision, ni la perception, mais la division du phénomène optique vivant et dynamique en rubriques classifiées, en multiples catégories et notions. (...)
Nous n'avons pas des yeux pour pouvoir voir où se trouve notre possession - voir veut dire, reconnaître dans l'esprit, percevoir dans toutes les directions.
Non, nous ne sommes pas et ne voulons pas être des photographes !"
Raoul Hausmann, extrait du Manifeste de 1921, traduction de Raoul Hausmann

Je commence par ne pas photographier

"Si je vois quelque chose à l'extérieur, dans la rue par exemple, je ne le photographie pas. Ainsi, je peux chercher et rechercher une chose  mais ne pas la photographier. C'est seulement une petite différence en réalité. L'événement présent disparaît en tant que photographie, il s'évanouie en tant que photographie potentielle, elle n'a pas lieu, mais il ne disparaît pas, car je suis le photographe. Alors ce que je fais là est encore de la photographie, ça fait partie de mon processus. Je le mémorise vraiment et ensuite toute l'affaire est de traiter avec cette mémoire. (...)" Jeff Wall



"Un jour il était photomonteur, l'autre peintre, le troisième pamphlétaire, le quatrième dessinateur de mode, le cinquième éditeur et poète, le sixième „optophonéticien“ et le septième il se reposait avec son Hannah." dit Hans Richter de son ami Raoul Hausmann.

Jeff Wall quant à lui est toujours photographe même quand il ne photographie pas. Photographier est pour lui un processus bien plus large que le maniement de l'appareil, qui inclus d'autres actes et à l'intérieur duquel la mémoire est clef.

Chez les deux artistes il s'agit de ne pas se rendre à l'évidence mécanique de leur outil. L'un et l'autre "apporte son corps" comme dit Maurice Merleau-Ponty citant Paul Valéry.

Il faut apporter son corps à la photographie.


vendredi 7 septembre 2012

Film blanc



Dans son livre Films, Paul Graham rend hommage au support physique de la photographie : le film. Alors qu'il scannait ses négatifs en vue des tirages pour sa rétrospective à la Whitechapel Gallery, il a scanné aussi les endroits du film non exposés à la lumière et donc non dédiés à l'image. Bouts des films, zones intermédiaires entre les images... Film blanc comme on dirait bruit blanc. Délaissé car non porteurs d'informations, non mis en forme. Il s'avère que ce bout de celluloïd non exposé contient effectivement toutes les couleurs comme la lumière blanche. En constellations de nature différentes suivant la marque et la nature du film (négatif, positif, noir et blanc). Paul Graham s'adonne ici à une photographie d'une autre sorte, proche peut-être de la photographie générative de Gottfried Jäger par exemple. "La dynamique propre du matériau donne à ces travaux leur caractère plastique...". Mais ici il semble que la photographie argentique se laisse ausculter par les machines numériques. C'est le branchement de l'une sur l'autre qui produit les images que nous voyons. Celles-ci en effet résultent du scan du film mais aussi des possibilités de saturation et surtout de rééchantillonnage permises par le logiciel de traitement d'images. Obtiendrait-on ces mêmes globules colorés en agrandissant avec un agrandisseur ou même un microscope. Je ne crois pas. La puissance d'abstraction de l'outil numérique est ici à l'oeuvre. La même que dans le film d'Antonioni Blow Up. S'ajoute une certaine dimension élégiaque. En semblant s'approcher de la matière même du film, le photographe fabrique des couleurs bruyantes aux contours étalés, des images de matière, bel et bien éloignées de la texture fine et granuleuse des films argentiques. Le photographe règle les échelles, les distances d'approche, les lignes de traversée, sachant d'emblée que le matériau initial (le film) est, depuis la première opération (le scan), éliminé.
fg

Il faut brancher ensemble tous les outils de la photographie.