jeudi 10 septembre 2015

La chambre des images

Alain Resnais, La guerre est finie, 1966
Dans le film d'Alain Resnais, on voit Yves montand traverser le salon où le montage d'un livre a lieu. Précaution. Passage entre les images. Et inscription de ce passage sur le mur du fond où d'autres images côtoient un miroir. Au sol comme dans le miroir les images sont en mouvement et ne restent que temporairement. Le film transcrit cette durée brève.
Dans la photographie de Bernard Faucon, on voit toute une surface, quasi impénétrable, jonchée de photographies montrant un personnage. Autant d'instants pris dans différents lieux à différents moments. Une surfaces d'instantanés, comme autant d'objets précaires. Montage ?

Bernard Faucon, La chambre des images, 1981-1984

dimanche 6 septembre 2015

Bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions


Shirana Shahbazi, Sans titre, installation, Aargauer Kunsthaus Aarau, 2012

Shirana Shahbazi, Komposition 71-80, 2012
Shirana Shahbazi a quité l'Iran a l'âge de 11 ans pour vivre en allemagne où elle a fait des études artistiques qu'elle a poursuivit à Zurich. Ses photographies appartiennent à tous les genres de l'art : natures mortes, paysages, portraits, vanités, abstraction. Leurs formats sont divers allant de photographies de tailles modestes à d'autres monumentales. Outre l'éclectisme de ses sujets de prises de vues, elle varie les registres
Sa série «Goftare Nik» («Good Words», 2000-2001) pourrait appartenir au documentaire et à une réflexion sur l’Iran contemporain. Dans cette série, comme dans les séries plus récentes réalisées en Chine et aux Etats-Unis, l’artiste photographie des paysages, des portraits, des scènes de rue, en recherchant une forme d’étrangeté dans la familiarité même des images. Les photographies abstraites, aux couleurs vives, sont elles, faites dans le style précis du studio de photographie commerciale, sans l'aide d'outils numériques. Pour faire ses compositions, elle photographie des socles peints et autres volumes géométriques; faisant parfois plusieurs images des mêmes objets, tournant les volumes entre les prises.

Depuis quelques années, elle transpose les images photographiques sur d'autres supports. Elle fait par exemple tisser de petits tapis d'après ses photographies ou fait retranscrire un cliché en une peinture murale grâce à l’habilité d’une équipe de peintres iraniens spécialistes des reproductions publicitaires à large échelle (Barbican Center à Londres). Elle combine une culture de l'image acquise en Allemagne qui lui font aborder ce médium d'une manière très précise et réflexive, conceptuelle,  avec une autre culture, iranienne, dans laquelle l'image est attachée à d'autres fonctions et à d'autres pratiques. Elle réalise aussi des lithographies ou des affiches, souvent des livres.

Shirana Shahbazi, Goftare Nik/Good Words, 2000-2001)
"Mais au cours de  ce travail je pensais à représenter la culture iranienne. Je ne voulais pas faire un travail qui aurait de l'intérêt en Europe, mais pas en Iran; c'était difficile à réaliser en raison des contextes différents - les centres d'intérêt sont différents. Quand les gens en Iran voient mes photos ordinaires de Téhéran, ils ne sont pas intéressés parce qu'ils connaissent tout celà très bien. Alors, j'ai réfléchi à notre patrimoine visuel, à quel genre de représentation nous avons en Iran, et la plupart du temps ce sont des tapis, des mosaïques, des miniatures, la presse et la photographie documentaire et les peintures de propagande. J'ai tenté d'analyser tout ça pour trouver le point commun. Les sujets des miniatures sont de grands thèmes comme l'amour ou la guerre ou un roi - c'est toujours de grands sujets dramatiques. Dans les mosaïques, le sujet c'est l'éternité et Dieu et les vastes espaces. Les peintures de propagande politiques montrent la plupart du temps des martyrs. Elles sont faites avec beaucoup de précisions, mais en même temps, c'est un moyen de production très fragile. J'ai découvert que nous ne représentions pas les choses qui sont normales - un simple portrait, une montagne, et ainsi de suite. Si une montagne est représenté alors elle doit être la plus haute, la plus belle, la plus importante montagne. Puis j'ai exploré la culture orale, et c'est pareil. La religion zoroastrienne fait partie de la culture iranienne ancienne. "Bonnes pensées, bonnes paroles, bonnes actions" est un si grand titre! Par son allure immodeste, il allait très bien avec ce que je recherchais. Donc, j'ai essayé de prendre quelque chose à cette idée de choses grandes, belles, colorées, et pourtant en même temps ordinaires - remplacer les sujets. Je voulais garder les attitudes, mais changer les sujets pour voir ce qui se passe, pour voir si les gens peuvent trouver du sens en regardant ça."


Shirana Shahbazi, [Voegel-08-2009] et [Diver-02-2011]


Shirana Shahbazi, [Farsh-08-2004], tapis noué à la main, laine et soie - Stillleben, peinture sur toile, 2009 - [Frucht-07-2009], C-print sur aluminium - [Stilleben-35-2010], C-print sur aluminium

Elle montre son travail en organisant des montages d'images spécifiques aux lieux dans lesquels elle intervient. De ce fait l'image n'est pas stable et définie dans son format et son support mais joue d'une plasticité qui lui permet de changer de signification suivant les rapprochements opérés, d'éprouver architecturalement le lieu et la présence du spectateur suivant les formats et les dispositions, de soulever les questions de pratiques de l'image à l'intérieur d'un champ culturel donné en convoquant des savoirs faire autre que celui du photographe par le changement de support (affiche, peinture, tapis). Une tradition photographique ou picturale (les natures mortes du XVIIe siècle) se confronte à l'imagerie publicitaire ou médiatique (peinture murale, papier peint).




Shirana Shahbazi, vue d'installation, Hammer Museum, Los Angeles, 2008
Shirana Shahbazi, Much Like Zero, vue d'installation, Fotomuseum Winterthur, 2011
[objekt-24-2013], C-print sur aluminium   
Interview de l'artiste : ici et