mardi 27 octobre 2009

Alfred Hitchcock, Weegee, Sada Tangara

Alfred Hitchcock, Fenêtre sur cour, 1954
Weegee with his Speed Graphic Camera, 1944
Sada Tangara, Le grand Sommeil, 1998
Lorsque Sada Tangara photographie les "dormeurs" des rues à Dakar, d'abord grâce à un appareil jetable, c'est grâce au flash qu'il sort ces images du noir de la nuit.

Weegee était connu pour arriver le premier sur toutes les scènes de crime qu'il photographiait en faisant crépiter le flash qu'il utilisait même en plein jour. La lumière brutale du flash n'était-elle pas nécessaire pour faire face à la brutalité encore présente de la scène photographiée ?

Quand le photographe professionnel Jeffries, à la fin de Fenêtre sur cour, film de Hitchcock, utilise son flash, dont il change à toute vitesse les ampoules, c'est pour tenir l'assassin à distance, voici son ultime chance de salut.

mardi 13 octobre 2009

Douglas Huebler 1974


Douglas Huebler, Duration Piece #31, 1974
"Le "temps" produit l'histoire et l'échelle de par son aptitude à spatialiser les phénomènes. Il crée ainsi le lien existentiel de l'homme avec le reste de l'univers : l'amour c'est "pour toujours", les étoiles sont "à un million d'années lumière de nous", etc. (…) les images les plus fortes qui ont été produites par l'art moderne sont des images temporelles et non pas intemporelles, et elles sont existentiellement transcendantes car chacune constitue une objectivation du temps, à travers sa synthèse d'événements conceptuels et existentiels : parmi les exemples les plus marquants : Cézanne, les cubistes et les "dripping" de Pollock. Leurs tableaux sont comme des champs de blé en train de pousser : les images restent vivantes et intactes aussi longtemps que dure le temps de perception : l'image existe en tant que réalité dans le moment présent. Le même genre de lecture peut s'appliquer aux travaux dans lesquels j'ai utilisé "le temps" comme composante structurelle (…)"
Douglas Huebler, 1977, cat de l'exposition Time, Philadelpha College of Art.

lundi 12 octobre 2009

Jean-Luc Moulène, 2009

Journal Personne, Jean-Luc Moulène, Evento, Bordeaux, 2009
"Ce n'est pas du tout un montage cinématographique, c'est un montage d'images fixes. On a l'habitude dans une image fixe de laisser monter les mots. On lit une image fixe en laissant monter les mots à l'intérieur. Tout ça, tout à fait mentalement. En fait, ce qui est monté c'est proprement tous ces mots qui montent, qui apparaissent au-dessus de l'image. Donc, il va y avoir un montage entre du rouge-violet et un ciel et un arbre, en fait, c'est ça qui est monté. C'est du langage qui permet le récit et le montage alors que tout le fond, c'est de la sensation visuelle."
Jean-Luc Moulène dans l'émission Tout arrive sur France Culture, à propos du journal Personne


jeudi 8 octobre 2009

Ai Weiwei, Dennis Oppenheim

Ai Weiwei sur la place Tian'anmen, 2009
Dennis Oppenheim, Reading Position for second Degree Burn, septembre 1970
Hiroshima, 1945, Traces de brûlures à travers un kimono (photo Gonichi Kimura); Les parties sombres absorbant plus d'énergie que les claires, le dessin du tissu s'est imprimé sur la peau
Architecte-designer du célèbre stade olympique de Pékin (le "Nid d'oiseau"), Ai Weiwei et aussi artiste et activiste, il s'est imposé comme un véritable contestataire du régime. Attentif aux luttes sociales, après s'être lancé dans un combat pour la publication d'une liste des victimes du séisme du Sichuan, il a appelé en juillet dernier à une grève de l'Internet afin de protester contre les contrôles des autorités. Le 14 septembre, il a été hospitalisé à Munich en raison d'un hématome intracrânien.
 
Dennis Oppenheim, Peau, livre, énergie solaire, temps de pose : 5 heures.

"Ce travail incorpore une inversion ou un reversement de dépense d'énergie. Mon corps est placé dans la position du receveur… plan exposé, surface captive. Cette oeuvre a pour origine la notion de changement de couleurs. Les peintres suscitent toujours artificiellement l'activité de la couleur. Je me suis laissé peindre — ma peau est devenue pigment. J'ai réglé son intensité en fixant le temps de pose. Non seulement ma peau a changée de couleur mais ce changement a été enregistré également à un niveau sensoriel : j'ai pu sentir le fait de devenir rouge. J'ai été tatoué par le soleil. Il n'y a qu'à s'allonger et quelque chose vous prend en charge. C'est comme si on se branchait sur le système solaire." Dennis Oppenheim

mercredi 7 octobre 2009

August Sander, Barbara Morgan

August Sander, Hommes du xxe siècle, Types et personnages de la grande ville, "Le Photographe" 1925
August Sander, Homme du XXe siècle, 1892-1954

J'ai fait cette lecture de l'œuvre Hommes du XXe siècle de August Sander (publié aux éditions La Martinière)  

"Aux états-Unis, la juxtaposition d'images s'impose comme un genre à part entière, salué notamment par un article dans l'encyclopédie The Complete Photographer. L'auteur, Barbara Morgan, y voit un substitut du photomontage proprement dit (contrairement à celui-ci, la juxtaposition ne cherche pas l'unité organique), tout comme elle l'oppose au reportage et à la série journalistique (la juxtaposition n'est pas narrative). Cette technique se situerait plutôt à la croisée des deux et se définirait comme "une forme directe d'organisation des images [picture editing]". Le montage tend effectivement à se rapprocher ici d'une technique éditoriale, telle que la pratiquent Sander ou Evans, les photos n'ayant plus à se toucher pour nouer des liens. Dans l'article de Barbara Morgan, si les images sont parfois accolées et groupées autour d'une légende unique, elles peuvent entretenir des relations plus lâches, sur des pages séparées et légendées individuellement. Les constructions éditoriales de Sander ou Evans ne font que desserrer encore ces liens : les clichés ne se côtoient plus mais entrent en résonance de double page en double page — in absentia en quelque sorte, comme au cinéma."
Olivier Lugon, Le style documentaire, éditions macula, p.276


samedi 3 octobre 2009

Hélio Oiticica, Helmut Smits

Helmut Smits, Dead pixel in Google Earth, 2008 (photo: Jeroen Wandemaker)

Un carré brûlé de 82 x 82 cm, soit la taille d'un pixel sur une vue prise à 1 km d'altitude par Google Earth. 

Hélio Oiticica, CONTRE-BOLIDE Rendre la Terre à la Terre, réalisé pendant l'action Kleemania, Rio de Janeiro, Cajù, avec Jorge Salamão, 1979
"Dans cette opération contre-bolide j'ai utilisé une clôture de bois de 80 x 80 x 10 cm que j'ai remplie de terre noire apportée d'un autre endroit : mais, au lieu de placer cette terre dans un récipient, je l'ai déposée à l'intérieur de cette clôture sans fond : le fond étant le sol même sur lequel la clôture en bois a été posée : lorsqu'on enlève la clôture il ne reste plus que terre contre terre : le contre-bolide est alors une sorte de programme de travail en cours : (…)" Hélio oiticica

Que s'est-il passé dans le temps séparant ces deux œuvres ?

vendredi 2 octobre 2009

Thierry Kuntzel, Etienne-Jules Marey

Etienne-Jules Marey, application du sphygmographe sur le poignet et inscription du tracé du pouls. Document extrait de E.-J. Marey, "La Méthode graphique dans les sciences expérimentales", G Masson, 1885, BN Département des imprimés.
Thierry Kuntzel, La peau, 2007

« Peau. n.f., d’abord pel (1080) puis peau (1150) est issu du latin pellis « peau d’animal, fourrure, peau tannée, cuir » et aussi parchemin (...). Pellis appartient probablement à la même famille que le grec pelma « plante du pied », l’anglo-saxon filmen « peau, pellicule ».

Le Robert, dictionnaire historique de la langue française.
 Que saurait-on ajouter à ce qui visiblement s’assemble dans la langue : cuir, parchemin, pellicule - peau ?
 Peut-être ce condensé : makimono, rouleau mobile de signes immobiles, volume déplié (volumen), loin du feuilletage, page après page (codex).
 Il en sera donc de la peau comme d’un paysage roulé, déroulé : ces surfaces lisses, accidents, particularités (grains de beauté, taches de rousseur, pigmentation, cicatrices, bleus, traces anciennes, rides), paysage lunaire, jamais vu - sauf dans la proximité de l’amour, d’un trop réel (halluciné).
 Pour qui a vu Eté - ambiguïté d’un corps dans un espace - ou Hiver - surface ou sous-face -, c’est ici un être, sans référence extérieure (hors-cadre), ni pli-dépli : apparition.
 Sans doute mon dernier hommage (dommage) au cinéma, au film. Lent défilement de la pellicule (où s’est perdue la notion de photogramme), appareil de projection visible dans l’espace (avec une torsion légère, l’horizontale a remplacé la verticale, absence de projectionniste, boucle machinique) pour donner lieu à une grande image.
Peau-pellicule : qui saura si sur l’écran ce sont accidents épidermiques (cicatrices, pigmentation..) ou de la matière-film (altération, poussière, rayure...), représenté ou représentant ?
Fin et début et fin d’une « invention sans avenir » Lumière.
Zone indécidable : immobile-mobile-immobile ? De la peau-pellicule glisse, apparaît, disparaît, fait retour à l’identique. Peut-être encore : lissé sans être lisse, mise à plat avec l’ombre d’un relief.
 Zénon, cruel Zénon. »


Thierry KUNTZEL
, projet écrit en 2006