lundi 24 février 2014

Picturediting#7



Accrochage à la Galerie du Quai à l'institut supérieur des arts de Toulouse le 21 février 2014 avec les étudiants de deuxième année.

Une journée de corps à corps avec les images. De clous et de mots. Une journée pour regarder et pour toucher, pour que nos images deviennent des "pictures" artefacts et motifs matériels que nous levons, plaquons, agençons, retournons, alignons, écartons, coupons, comme autant de formats, de surfaces, de rapports, de séries. Les images n'apparaissent que davantage alors, leur sens restauré, amplifié, déplacé dans cette joyeuse prise de corps et de parole.

Vous trouverez toutes les images de l’accrochage en cliquant sur l’album picturediting#7



" La langue anglaise bénéficie d’une distinction opportune dont ne dispose pas la langue française ; à l’image, objet de l’impression visuelle, qui pénètre pensée et discours, s’oppose la picture, artefact et motif matériels. L’image apparaît ainsi dématérialisée, et telle est sa capacité de pénétration. Elle ne sait se restreindre à un champ donné et ne dépend ni d’un média essentiel ni d’une pure opticité, physiologique ou culturellement fondée. L’image est idées, théories, descriptions, métaphores, fantasmes, rêves, souvenirs.

Quelle différence y a-t-il entre picture et image ? Partons du vernaculaire, d’une distinction anglaise intraduisible en français : « Vous pouvez accrocher une picture, mais vous ne pouvez pas accrocher une image. » La picture est un objet matériel, une chose que vous pouvez brûler ou abîmer. L’image est ce qui apparaît dans une picture et qui survit à sa destruction – dans la mémoire, dans le récit, dans des copies et des traces au sein d’autres médias. Le Veau d’or peut être détruit et fondu, mais il survit comme image dans les histoires et dans d’innombrables descriptions. Dès lors la picture est l’image telle qu’elle apparaît sur un support matériel ou à un endroit donné ; (…). L’image n’apparaît jamais sans média mais elle est aussi ce qui transcende les médias, ce qui peut être transféré d’un média à un autre. "
W.J.T. Mitchell, Iconologie, Les prairies ordinaires, 2009




Toutes les images de Picturediting#7



mercredi 12 février 2014

Les monuments de Passaic


Robert Smithson, Une visite aux monuments de Passaic, New Jersey, Artforum, décembre 1967
En septembre 1967 Robert Smithson s'embarque à New York à bord du bus n°30 de l'Inter-City Transport Compagnie pour une visite dans sa ville natale, Passaic. Au cours d'un périple au cœur des décombres de la société positiviste, il y découvre un musée à ciel ouvert, une Rome post-industrielle où poussent les" ruines à l'envers", un film photographique aux dimensions du paysage. Commence alors pour lui, une entreprise de sauvetage du paysage par le récit.

Les 24 photographies sélectionnées par Smithson sont sur l'image et le texte est à lire ici.



Robert Smithson, Une visite aux monuments de Passaic,  5 des 7 rouleaux de films réalisés

(…) Le soleil de midi "cinéma-isait" le site, faisant du pont de la rivière une image surexposée. A le photographier avec mon Instamatic 400, c'était comme si je photographiais une photographie. Le soleil était devenu une espèce d'ampoule monstrueuse projetant dans mon œil une série de plans fixes à travers l'Intamatic. En marchant sur le pont, c'était comme si je marchais sur une énorme photographie faite de bois et d'acier et, dessous, la rivière se présentait comme une énorme pellicule cinématographique qui n'eût rien montré d'autre qu'un blanc continu. (…)
Robert Smithson, Une visite aux monuments de Passaic,  New Jersey, Artforum, décembre 1967

Dan Graham sous-entend que Smithson fut l’un des initiateurs de l’utilisation de la pratique amateur dans l'art : « Ce qui me plaisait, c’était la photographie d’amateur, en tant que hobby. Comme Ruscha et Smithson, en fait, c’est lui qui avait découvert l’usage de l’Instamatic Kodak.» Smithson s’est effectivement approprié ce modèle photographique en endossant les us et coutumes de celui qui fait « le genre de photo que tout le monde pouvait faire ». Favorisant au premier chef la facilité d’exécution, Smithson pratiquait la photographie comme n’importe quel amateur de cette époque qui connut l’essor des loisirs et du tourisme de masse, en utilisant entre 1966 et 1971 le très populaire Eastman-Kodak Instamatic 400. Cet appareil cumulait plusieurs atouts : son prix abordable (une cinquantaine de dollars), sa portabilité ainsi que sa simplicité technique : le chargement de la pellicule était automatique, la focale figée de 1 m à l’infini et l’utilisateur n’avait qu’à régler l’exposition sur la fonction “soleil” ou “nuage”.
Katia Schneller, Sous l'emprise de l'instramatic, études photographiques n°19

Artforum, décembre 1967