lundi 25 octobre 2010

L'Image, Pierre Reverdy

L'Image - Pierre Reverdy - 1918
cliquez sur l'image pour l'agrandir

Une suite de notes parue en tête de la revue Nord-Sud, n°13, mars 1918.
Revue dirigée par Pierre Reverdy.

Pour mieux connaître Pierre Reverdy :

PIERRE REVERDY

"Dans la vie, les choses ne sont pas ordonnées, on passe constamment du coq à l'âne. La technique de Reverdy, c'est celle du coq à l'âne, c''est celle de la discussion, c'est celle de ce qu'on voit quand on regarde. Le regard qui erre à travers l'espace et qui voit des choses diverses dont il fait une seule chose, dont il fait le paysage ou la phrase qui comporte des éléments disparates. Ce qui devait correspondre à une disposition naturelle, à une disposition du regard, de l'attention, du discours, la propension qu'il avait à passer d'une idée à une autre, finalement, il l'a mise sur le papier. Ce qui est rare et ce que l'on déconseille. A l'école on vous dit toujours de suivre votre idée et de vous y tenir. Lui, était l'homme du discours incohérent, c'est-à-dire l'homme de la réalité." Gil Jouanard

dimanche 24 octobre 2010

La ville , comme un film

Gabriel Orozco
cliquez sur l'image pour l'agrandir

La proposition de certains étudiants du cours Picturedesiting d'organiser la 2ème Table de documents autour du travail de Gabriel Orozco, après avoir parlé des Déplacements de miroirs de Smithson à travers le Yucatan, est une très bonne idée. Orozco est d'abord un artiste toujours lui-même en mouvement qui tire subtilement ses oeuvres des lieux où il séjourne.

L'espace de l'exposition qu'il a monté à Beaubourg est directement en rapport avec les rues adjacentes. L'exposition, visible de l'extérieur, reste en prise avec l'espace urbain qui tient une place importante dans son travail. La ville, comme un film, appartient à l'exposition, les frontières entre l'art et les événements quotidiens sont questionnées.

A l'intérieur, de petits objets sont présentés sur des tables de marché conçues comme des tables de travail. Elles constituent autant d'entrées en matière, de maquettes pour la suite de l'exposition où d'autres objets, indépendants, au mur ou au sol, sont présentés comme une sorte de cartographie du travail, elle-même ouverte sur l'espace de la ville. Il y a un dialogue permanent entre l'intérieur et l'extérieur. A travers les vitres, comme sur un écran la rue interagit avec les objets.

Gabriel Orozco - Cats and Watermelons - 1993 (source, MoMA)

Mais personne ne vous introduira mieux au travail de Orozco que l'artiste lui-même, à Beaubourg avec la complicité de Jean-Pierre Criqui.

La rencontre est entièrement visionnable sur Dailymotion, ici, 1h37 de bonheur ! C'est long et ça en vaut la peine. L'artiste parle de son rapport à l'art, à l'espace public, les oranges, les cercles et la grille, les atomes et le vide nécessaire au mouvement, son désir de transmettre une expérience renouvellée avec les matériaux les plus divers, son intérêt pour le mouvement du cavalier aux Echecs et sa réfléxion sur le mouvement tridimentionnel, son refus du moule en sculpture et son rapport à la fonctionnalité des objets, le corps, sa vulnérabilité et sa puissance de transformation, pourquoi une photo avec le temps perd de son intérêt et comment un jeu de cercles imprimés à sa surface désigne et réactive le mouvement du sportif représenté ... jusqu'à la fin, où différence est faite entre faire de l'art et être dans une recherche où se constitue une expérience à travers l'exploration d'un matériau, "comment transposer une vraie activité du vrai monde sans tuer ce que vous transposez. g.o.". Un art libéré de toutes conceptions préalables et non assujetti au document. "L"art c'est 50% la volonté et 50% l'acceptation. g.o."

D'autres documents, visuels, audios et vidéos sur le site du Moma à partir de cette page.

Gabriel Orozco - Atomist :Making Strikes - 1996 (source, MoMA)

"L'idée de l'atome est devenue très importante pour moi et sans doute liée à une peur du mouvement perpétuel. Je me suis intéressé aux atomistes, aux atomes, au vide entre les paticules qui permet le mouvement. J'utilise les points et les couleurs présents dans l'image et je les imprime à la surface de la photo pour désigner et transcrire autrement le mouvement et que la photo garde son intérêt...

J'ai toujours aimé les photographies de sport mais la plupart deviennent ennuyeuses avec le temps. Je fais se chevaucher deux images de mouvement, d'un coté la photo de figures en mouvement de l'autre des formes géométriques qui ont un mouvement. L'intervention géométrique à la surface de la photo fait percevoir différemment le mouvement du corps montré sur la photographie. Je concilie et révèle ce mouvement et cette image à travers les motifs géométriques réalisés à la surface." Gabriel Orozco

mardi 12 octobre 2010

Le phénomène

William Klein - Tokyo - 1954

« Le problème, avec les individus de cette espèce, cʼest quʼon a tendance à les découper en tranches […]. Alors que, quel que soit lʼintérêt particulier du film, de la photo ou du tableau, le truc véritablement passionnant, le phénomène, cʼest la totalité de ces expressions, leurs correspondances évidentes ou secrètes, leur interdépendance, leurs rimes. Ce qui fait que ce peintre ne devient pas photographe, puis cinéaste, mais part dʼune seule et unique préoccupation – percevoir et transmettre – pour la moduler dans tous les états possibles de la représentation. Comme sʼil émettait un faisceau particulièrement intense dont des écrans de matières et de formes diverses nous décrivent, en sʼinterposant, le chiffre. Un laser de Brighton. »

Chris Marker, William Klein, Graphis, n° 33, mai-juin 1978, p. 495.

Chris Marker utilise un outil théorique : le phénomène pour parler du travail de William Klein. Cet outil, qui l'amène à considérer davantage des modulations à l'intérieur du travail que des formes ou des états successifs de la représentation, lui permet d'accéder à la consistance de la personne. On peut voir dans cet excercice qui consiste à percevoir le phénomène d'un individu, la capacité d'une pensée en mouvement à rencontrer une autre pensée en mouvement par le biais d'un jeu, d'un autre mouvement, que David Antin a appelé, dans un livre éponyme, le "tuning". On peut voir aussi le phénomène comme l'équivalent du film dont le mouvement, dans la durée, est toujours bien plus et bien autre que l'addition de ses photogrammes et même de ses plans. Quand Johan Van der Keuken sustitue le "cadre essayé" au cadre utile, ne cherche-t-il pas aussi cet accord avec le phénomène de l'évènement plutôt que la saisie arrogante d'une apparence ?

- La publication sur éditions papiers d'un essai de Arnaud Lambert, auteur de Also known as Chris Marker, Le point du jour éditeur

- Sur chrismarker.org, beaucoup de choses sur Chris Marker par exemple une fiction Phénomène (n.m.) qu'il a publié dans la revue Trafic en 1999

- Un entretien d'archive de William Klein dans l'émission Cinéma vif de la Télévision Suisse Romane, le 29 mai 1968 - Journaliste : Rodolphe-Maurice Arlaud - Réalisateur : François Bardet



samedi 9 octobre 2010

Le monde est le monde



Vues de l'exposition de Valérie Jouve, En attente, Centre Pompidou, Paris, 2010
Prises de vue par Julie Biesuz

"Le monde est le monde. Il est inséparable de toutes les notions qui le nourrissent, qui sont parfois contradictoires ou qui parfois se mélangent. J'essaie de poser un regard qui assume une mémoire, qui va au-delà de l'événementiel, qui atteint une dimension plus historique, qui atteint une histoire qui agit plus lentement.

J'ai réagit là-bas en pensant que je ne ferai rien parce que l'image ne pouvait pas. On est dans un tel écart entre ce que les medias nous donnent à voir d'un pays et la réalité de ce pays, qui vit au quotidien. Comment avec des images j'essaie d'aider à reconstruire, à porter cette identité-là qui fait qu'un pays existe aussi par un peuple, une histoire, une culture pas seulement par des territoires reconnus ou pas.

Avec l'exposition, je construis des liens d'une image à l'autre, mais ces liens, j'espère qu'ils mènent bien au-delà de ce que moi j'y ai mis de manière un peu rhétorique. Je m'aide d'éléments, disons, musicaux, de couleurs, de tonalités, d'énergies, qui d'une image à l'autre vont créer des résonnances. Il y a très peu de mots qui peuvent décrire ça, ni légende, ni titre, c'est simplement comme ça à un moment donné.

Comment essayer de mettre en place une expérience de l'image davantage physique que lisible. Je ne suis pas du tout dans la lisibilité. Je me bats avec ça et c'est assez dur parce que les gens malgré tout ont cette relation à l'image qui est une relation d'indexation: je reconnais une chose, d'où ça vient, ce que c'est. J'essaie d'être au plus loin de ce type de relation à l'image.

L'exposition est organisée autour de deux villes. Là, il y a une salle plus chaude, plus terrienne, dans des tonalités d'ocres et de bruns qui montre une ville à la lisière, pas du tout autonome, c'est Jérusalem Est, le début de la Palestine. Dans la deuxième salle quelque chose de beaucoup plus froid plus aérien, Naplouse, une ville assez loin dans le Nord.

J'ai travaillé selon des logiques, mais je ne veux pas en donner les clefs car donner les clefs de ce travail de fourmi que je fais dans mon atelier c'est alors redonner au spectateur la possibilité de lire cette exposition, dans une trajectoire très rationnelle. Et j'espère que l'image a encore cette dimension qui vient de l'inconscient, qui vient de l'imaginaire et qui fait que, les gens peuvent y projeter des choses très différentes. C'est ça qui m'intéresse dans l'image. "

Valérie Jouve (retranscription d'une partie d'un entretien sur France Culture)

Le site de Valérie Jouve,

Sa galerie à Paris,

Un entretien dans l'exposition En attente

Une interview

mercredi 6 octobre 2010

Sur le fond

cliquez sur l'image pour l'agrandir
Sur le fond (l'écran) nous voyons trois types de projection, trois façons de considérer l'intériorité et de penser la "profondeur" d'une surface. (fg)

Caspar David Friedrich, Voyageur au-dessus de la mer de nuages, 1818.

" Le peintre ne doit pas peindre seulement ce qu'il voit en face de lui, mais aussi ce qu'il voit en lui ". Caspar David Friedrich (1774-1840)

Dennis Oppenheim, Stage Transfer Drawing Erik to Dennis Oppenheim, 1971

"A mesure qu'Erik passe un crayon le long de mon dos, j'essaye de reproduire ce mouvement sur le mur. Son action provoque dans mon appareil sensoriel une réponse cinétique. Erik dessine conséquemment par mon entremise. La différence entre les deux dessins s'explique par le retardement sensoriel ou la désorientation qui sont comme des composantes activées pendant ce processus. Du fait que je suis le père d'Erik et que nous partageons des éléments biologiques semblables, on peut considérer mon dos (en tant que surface) comme une version mature du sien. Dans un certain sens, il prend contact avec un état futur." Dennis Oppenheim

Luc Moullet, La cabale des oursins, 1991, film 16mm, 13 mn

"Dans le nord de la France, il y a des terrils formés par les déchets des anciennes mines. Un monde ignoré. (...) Souvent on ne trouve plus de chemin pour monter. Le terrain étant moins cher, les infrastructures modernes occupent les alentours. Lens, 40 000 habitants, avec ses grands terrils n'est même pas sur le guide Michelin. Nous n'avons trouvé qu'une carte postale avec terril. On les rase pour faire de grands ensembles...". Voix off de Luc Moullet au début du court métrage La cabale des oursins, 1991, 13 mn

Pour voir trois autres films de Luc Moullet :

Essai d'ouverture, 1988, 15 mn

Barres, 1984

Genèse d'un repas, 1988