samedi 26 février 2011

Un objet là devant, si - ESBA Toulouse

Jeudi 24 février, un nouvel accrochage du collectif Picturediting 2011 a été réalisé par les étudiants à l'Ecole des beaux-arts de Toulouse, en présence de la photographe Laura Henno, qui expose en ce moment à la Galerie du Château d'Eau.

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Un objet là devant, si : et selon le moment que la lumière solaire (son état, son étalage ou son étiage) nous donne à traverser, il nous apparaît soudain, ou peu à peu, plus ou moins visible mais si nous croyons qu'il s'évanouit ou qu'il se renforce, c'est qu'un autre l'a remplacé et que, cessant à chacun de ces moments d'être cet objet là, ou plutôt, s'interrompant sans cesse à l'intérieur de sa continuité, il devient l'objet d'une qualification différente chaque fois qu'une lumière autre en modifie les relations. Nous ne voyons alors jamais le même - et tout objet est sans doute une infinité d'objets différents : mais chacun d'eux n'est visible qu'entièrement et d'un seul coup car notre acte ne s'inscrit pas ailleurs que dans sa globalité. (Comme si voir pouvait se morceler, en passant d'un corps sur un autre...)

(...)

Phrases ou fragments viennent d'ailleurs, ramenées ici comme si, origine factice elles avaient contribué à déclencher une écriture qui chercherait alors, et bien qu'elle s'en défende, à se justifier.

(...)

(Faute d'avoir pu transformer l'objet en le désirant, celui qui regardait se satisfait en exerçant sur lui la tyrannie du langage).

Le Discours des yeux, Jean Tortel, 1982, éditions Ryôan-ji (fragments)


mercredi 23 février 2011

Photographie générative

Gottfried Jäger, photographies
Les oeuvres de Gottfried Jäger procèdent d'un développement expérimental du médium. Il participait en janvier et février 1968 à l'exposition "Generative photografie" à la Kunsthaus de Bielefeld. Ses photographies sont abstraites. Il dit lui-même produire une "photographie de photographie". La technique est l'art. L'image surgit du potentiel de la technique.

Sur la Photographie générative, lire l'article de Anaïs Feyeux dans la revue études photographiques n°18, mai 2006

Gottfried Jäger, photographies
"La dynamique propre du matériau donne à ces travaux leur caractère plastique : leur caractère d'objet. Ils s'arrondissent dans l'espace. Ils sont installés ou posés par terre. Il délaissent le cadre habituel de la présentation de la photographie sous la forme du tableau, et déploient une vie autonome à l'extérieur de ce cadre. "(...)

extrait de l'énoncé de 1988, de Gottfried Jäger, traduit et publié par la revue Pratiques n°11

Le site de Gottfried Jäger à explorer.

à partir duquel on accède aux archives de Carl Stüwe, un pionnier de la microphotographie

et une image en mouvement : ici et .

Carl Strüwe, photographies

lundi 14 février 2011

Tableau digitalisé



Musée du Louvre, Salle des Etats - 2010

La foule qui se presse autour de la Joconde tente d'avoir le tableau au bout des doigts. Il ne s'agit pas de s'approcher au plus près pour scruter l'oeuvre, mais d'atteindre la distance où, à bout de bras, le doigt sur l'appareil saisira l'image du tableau comme preuve de la présence du photographe "à proximité" acceptable du chef d'oeuvre. D'où les glaces de protection antireflets qui permettent la capture des images de tous côtés. J'y vois davantage un rituel du toucher digne de celui des pèlerins touchant le pilier de la Gloire à l'arrivée à Saint Jacques de Compostelle qu'une expérience visuelle telle qu'on peut l'éprouver dans un musée. Y aurait-il une nouvelle forme de regard ? Un regard "haptique" qui depuis les doigts glisserait le long du bras, différant le regard "optique"; Quelle est la nécessité de ce type d'image "jamais vue" mais tenue, digitalisée. Le tableau est ainsi à chaque instant multiplié, promis à la dispersion mais d'abord assujetti à la "prise".

Musée du Louvre, Salle des Etats

Emplacement de la Joconde après le vol en 1911

dimanche 6 février 2011

Un piège temporel

Denis Roche, 21 juillet 1973. Ravello, Italie, Hôtel Palumbo, chambre 18.

Denis Roche, 30 juillet 1972. Propriano, Corse, Hôtel Marinca, chambre 21.

Denis Roche, 31 juillet 1975. Negombo, Sri Lanka.

Denis Roche : ...Là où je prenais une photo, j'étais. Même devant une nature morte, j'étais. Il fallait que ce soit dit et montré. J'ai même tenu à insister sur ces fractions de temps dans lesquelles nous nous tenions : ainsi, dans certains des autoportraits, je m'arrangeais pour que la prise me surprenne en train d'aller prendre position à côté de Françoise -- qui, elle, était toujours fixe et centrée dans l'image -- où en train de revenir vers l'appareil photo, comme si je ne maîtrisais plus qu'en partie la prise photographique, histoire qu'on comprenne bien que l'image, dans certains cas, pouvait être vue comme un piège temporel, dans lequel je me débattais.

Gilles Mora : C'est ce que vous avez appelé les "allers et retours dans la chambre blanche", dans un texte publié dans la revue Créatis. Assez tôt me semble-t-il ?

Denis Roche : Oui. C'est un texte que j'avais écrit peu après mon voyage au Mexique, dons sans doute début 1979. J'y exprimais comme une volonté éperdue de ma part d'entrer dans la photo -- je pourrais reprendre ici le mot "panique", qui convenait parfaitement à cet état d'esprit jubilatoire et inquiet, d'angoisse offensive même. Il fallait tout le temps que j'aille dedans et que j'en revienne, comme s'il fallait chaque fois que j'en rapporte une preuve de réalité nouvelle, une de plus, encore et encore. L'image que je cadrais dans le viseur avant de mettre en route le déclencheur à retardement était comme une paix du monde réel que j'allais essayer encore une fois de rejoindre, une eau paisible et lisse qu'il était indispensable d'aller troubler. La photo devait apporter la preuve (j'insiste sur ce mot) de cet aller et retour. (...)

Extrait de Denis Roche, La photographie est interminable, entretien avec Gilles Mora, 2007, éditions du Seuil.


...Il m'est arrivé aussi de photographier un appareil dormant, comme on le dit d'un espion potentiel appelé un jour à être activé... (Denis Roche)


vendredi 4 février 2011

Faire fond

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Myoung Ho Lee, Tree #14, 2009 - Irving Penn, studio mobile - Malik Sidibé - Avedon au travail - Adrien Tournachon

Faire fond sur quelque chose c'est compter sur lui, c'est s'appuyer sur lui.

Dans ces photographies, le fond n'a pas d'appuis, il s'interpose et il cache une partie du contexte, il l'efface, l'obstrue de manière à ce que le sujet en soit détaché.

Un plan intermédiaire, un écran, s'interpose à distance raisonnable du sujet, lui ôtant le fond, le paysage.

L'écran, le fond de l'image, se tient derrière, mais pas trop loin, à distance raisonnable, pour que ses bords, ses extrémités, soient proches, plus ou moins, des bords de l'image, du cadre.

Le sujet fait fond sur l'écran pour tenir à l'image.

L'écran fait fond sur le point de vue, en face, pour que les bords, au fond, coïncident presque et laissent peut-être, dans un interstice, deviner le fond du paysage.

Il dépend de la part de fond, de paysage, d'arrière plan, que l'écran puisse être pris pour une part du sujet de la photographie.

Balthasar Burkhard, Lama, 1996

mercredi 2 février 2011

Des arbres

Myoung Ho LeeTree #14, 2009 - Chris Engman,Transplant, 2005 - Hannah Guy, North South East West (Sketch 6), 2006 - Rodney Graham, Napoleon Tree, 1996
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Myoung Ho Lee
Myoung Ho Lee travaille en Corée, il photographie des arbres solitaires encadrés par un fond de toile blanche au milieu de paysages naturels. Pour installer les grandes toiles, l'artiste fait appel à une équipe de production et à des grues. Les éléments du système de support de la toile, comme les cordes ou les barres, sont ensuite retirées de la photographie grâce à des retouches numériques minimales, créant l'illusion que le fond flotte derrière l'arbre.
La série comprend diverses espèces d'arbres photographiées avec une chambre photographique à différentes saisons et à différents moments de la journée. L'environnement naturel de l'arbre remplit le cadre autour de la toile de fond, la transformant en une partie intégrante du sujet. Centrée dans les compositions, la toile définit la forme de l'arbre et le sépare de l'environnement. En créant un studio de plein air, temporaire et partiel, pour chaque arbre, le photographe joue avec les idées d'échelle et de perception tout en se référent à la peinture traditionnelle et à l'histoire de la photographie.
Le travail combine des éléments classiques de l'histoire de la photographie comme le travail en studio, le portrait en les déplaçant dans le cadre très élargi du paysage, autre genre connu, avec des éléments très contemporains comme la retouche numérique. La photographie devient le produit d'une image d'abord mentale qui nécessite néanmoins un investissement considérable pour sa mise en oeuvre dans l'espace réel.
Chris Engman
Chris Engman travaille à Seattle. Il construit des structures qu'il photographie ensuite dans une relation précisemment établie à leur environnement, souvent un paysage quasi-désertique.

"Cet arbre a été photographié dans l'ouest de l'état de Washington en hiver, reproduit en photographies grand format, et réinstallé dans un endroit désertique dans l'est de l'état de Washington, où ne poussent qu'arbustes et mauvaises herbes."
"Mon travail prend la condition humaine comme thème central et examine la plus fondamentale des questions : le fait inexplicable de notre existence, l'expérience insaisissable du temps, et la nature illusoire et inconnaissable de la réalité. Il attire l'attention sur nos perceptions erronées : le fossé qui existe entre la façon dont nous voyons et la façon dont nous pensons que nous voyons ; comment nous pensons et comment nous pensons que nous pensons; et la nature inconstante et construite de la mémoire."

Chris Engman, Inversion, 2009


Hannah Guy
"Ma pratique se situe entre la photographie et le cinéma. Le point où l'instantanée paraît devenir une image en mouvement me fascine." HG
Le travail de Hannah Guy se compose d'animations construites à partir d'images instantanées et de photos composites réalisées avec un appareil photo grand format.
Ces deux formes de représentation visent à proposer des expériences visuelles différentes et à aller au-delà de l'impact de l'instantané. L'animation, en mettant en boucle une succession d'images fixes crée l'illusion de l'arbre en perpétuel mouvement. Lentement, les nuances subtiles du paysage sont révélées au fur et à mesure que le point de vue du spectateur se déplace autour de l'arbre. Dans les photographies, la superposition des images modifie la forme, la texture et l'architecture visuelle de l'arbre produisant une sensation d'espace particulière liée aux deux dimensions.

Rodney Graham
La photographie Napoléon Tree montre le portrait d'un arbre trouvé par Rodney près de Waterloo, en Belgique, en 1996, dans le cadre d'une recherche sur les arbres d'importance historique. Il paraît que Napoléon Bonaparte a déjeuné sous cet arbre avant de poursuivre sa quête de Waterloo.
"C'est en travaillant sur la représentation de la nature que j'ai commencé à photographier des arbres. J'ai construit une vraie chambre noire afin de l'installer dans un paysage pour recueillir l'image inversée d'un arbre sur un écran placé à l'intérieur. J'envisageais le motif de l'arbre à l'envers comme une sorte d'image symbolique et, dans les années 1980, j'ai décidé de ne pas me limiter au dispositif encombrant de la chambre noire géante, mais d'obtenir quelques images d'arbres à l'envers avec une chambre transportable. Pour la première série réalisée en Belgique, je me suis fait seconder par un photographe spécialisé dans les grands formats, en considérant un peu les images comme des commandes de portraits d'arbres."