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Claes Oldenburg, Ray Guns, 1960-1977
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Claes Oldenburg, Ray Guns, 1960-1977 (photo Nathan Rabin)
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Claes Oldenburg, Ray Guns, 1960-1977 |
Claes Oldenburg est collectionneur. Il présenta à la Documenta 5 en 1972, en Allemagne, le Mouse Museum, une structure couverte d'étagères dans laquelle les visiteurs pouvaient entrer et observer des dizaines et des dizaines de petits bibelots américains ordinaires et bon marché, disposés de manière très minutieuse. À côté des objets trouvés, il y avait aussi de petits objets fabriqués par Oldenburg à l'atelier. On avait là des objets à mi-chemin entre objets trouvés et œuvres d'art. Nombre d'entre eux ont servi de point de départ à de futures œuvres.
Le Mouse Museum est conçu comme une tête de souris géante. On y entre par le nez. La première Geometric Mouse a fait son apparition en 1969, dans l'atelier d'Oldenburg à New Haven. Elle persistera dans toute son œuvre. "C'est une sorte d'antidote à Mickey Mouse, que j'ai réalisé en plusieurs tailles. Mickey Mouse est doux, câlin et tout en courbes. La Geometric Mouse, elle, n'a pas de courbes. Elle somnole et a les yeux pleins de larmes. Elle représente l'activité mentale alors que Mickey Mouse est là pour distraire."
Comme tous les musées, le Mouse Museum a vite eu besoin de s'agrandir. En 1977, Oldenburg y ajoute l'aile des "pistolets à rayon" (Ray Gun Wing), elle abrite sa collection d'objets en forme d'angle droit qu'il appelle les Ray Guns. Les Ray Guns viennent en partie d'une bande dessinée de science-fiction dans laquelle une super arme pouvait dissoudre instantanément n'importe quelle cible, super héros ou super bandit.
"Si vous épelez Ray Gun à l'envers, ça fait "Nugyar", ce qui est très proche de New York !"
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Martin Friedman (in mouse mask) interviewing Claes Oldenburg at the Walker Art Center, Minneapolis, 1975. Photo Eric Sutherland |
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Claes Oldenburg, Geometric Mouse et Mouse Museum
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Ray Gun apparaît dans les notes d'Oldenburg dès 1959. À la fin de l'année, il réfléchit à ouvrir la Ray Gun Gallery, des dessins et objets Ray Gun sont matérialisés. Dans le contexte prégnant de l'Expressionisme abstrait, il ne peint plus, il pense en termes d'art figuratif. Ray Gun désigne une personne (peut-être son double), un nom (peut-être tiré de n'importe quel série télé), et un objet (peut-être un jouet ou un phallus). C'est l'emblème d'une transition vers un art des objets, en trois dimensions. Mais avant tout, cette tridimensionnalité sommaire fait de l'objet un substitut du corps humain.
L'apparence du Ray Gun résout beaucoup de problèmes, c'est une forme simple et évidente qui renvoie à un objet réel sans s'y confondre, en gardant ses distances avec la réalité. En inventant Ray Gun, Oldenburg greffe ensemble figure et objet. C'est une libération. C'est la revendication d'une puissance brute et nouvelle ouvrant à un art authentique et trivial. Ray Gun est tiré des jeux d'enfant, c'est un compagnon secret qui n'est pas un héros mais un objet rêche et basique, sans passion. Avec Ray Gun, le héros a tourné maboule, l'artiste avance masqué. "J'aime la suie et le torride". En fait, on est fatigué des surfaces plates à quatre côtés. Le but de Ray Gun est de rendre humains des objets à première vue hostiles.
Des Ray Gun Poems sont distribués à la Judson Gallery. Oldenburg, Jim Dine, Al Hansen, Dick Higgins, Allan Kaprow, and Robert Whitman proposent des performances Ray Gun. Au cours de son premier happening, Snapshots from the City, Oldenburg joue une suite de tableaux brièvement sortis de l'obscurité par un flash de lumière et représentant des scènes telles qu'on peut en croiser dans la rue. L'art Ray Gun est aussi "un art social : c'est le véritable art : la forme comme idée". Ray Gun a ses propres règles : "l'extraordinaire vient de l'ordinaire" et ses paradoxes : le pistolet à rayon (ray gun) est à la fois un moyen de survie et un moyen de destruction. Un objet phallique, une arme de défense, d'agression…Oldenburg se reconnaît dans ces ambiguïtés et Ray Gun devient la métaphore d'un nouvel art. "La culture américaine, d'abord je la déteste. Mais, ni je cherche à l'éviter, ni je cherche à l'aimer. J'essaie de trouver ce qu'il y a d'humain en elle."
Avec l'invention de Ray Gun, Oldenburg va basculer de The Street à The Store, d'une implication dans une forme pessimiste de violence toute urbaine à un lieu positif qui fait allusion à l'érotisme, à la profusion, aux joies et plaisirs disponibles pour tous. Annonçant que "Tous verront comme Ray Gun voit", il prévoit que les objets, les événements, les forces naturelles et les lieux seront transformés et refondus à l'image de l'artiste. L'artiste étant un grand mésomorphe mou, le plâtre dur des objets de The Store sera remplacé par les formes souples et flexibles de la sculpture molle. Là où l'instinct est reconnu, où le refoulé a été libéré les individus satisfaits et détendus, travaillent, commercent et jouent ensemble. L'art a réintégré la société. L'artiste règne non pas par la peur mais par l'amour, il esquisse le Teddy Bear Monument pour Central Park. Les pouvoirs cathartiques et métamorphiques de Ray Gun transformeront le pays de la violence et de l'injustice sociale en un pays de plaisir, de satisfaction naturelle et d'abondance. Oldenburg est un utopiste, il rêve l'Amérique. La réalité et le fantastique fusionne en un continuum.
Ray Gun est une belle fiction qui aura donné, un temps, la possibilité de triompher aux forces de la vie face à la volonté collective de destruction.
(rédigé à partir du texte de Barbara Rose paru dans Artforum en novembre 1969)
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Oldenburg, Certified Ray Guns, 1876-1978
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Certified Ray Guns est une série de photographies en noir et blanc prises dans les rues de New York et de Chicago par Claes Oldenburg, Nathan Rabin et Tom van Eynde.