vendredi 1 juillet 2011

La colle et la lumière

A partir de 1920, Kurt Schwitters et Laszlo Moholy-Nagy ne se sont jamais perdus de vue. Pour les deux artistes, le temps de l'oeuvre est le temps de la main, de la manipulation. Au point que l'oeuvre se fait moins pour être faite que pour se faire, dit Isabelle Ewig. Chez l'un et l'autre, on perçoit la nécessité de toujours renouveler le temps de la manipulation en renouvellant les expériences. Le Modulateur espace-lumière et le Merzbau peuvent apparaitre alors comme d'immenses dispositifs à faire durer la mise en forme.


Kurt Schwitters - Mz 600 Moholi, 1922, 32 x 24 cm - photogramme 1, 1929, 18 x 13 cm - Mz 308 Grau, 1921, 18 x 14 cm.

Laszlo Moholy-Nagy, photogrammes, papiers à noircissement direct, 1922.

à propos de Kurt Schwitters :
"Il distribuait de la farine et de l'eau sur le papier, puis il bougeait, mêlait et manipulait ses morceaux de papier de tous côtés dans la colle tant que le papier était mouillé. Du bout des doigts, il travaillait de petits morceaux de papier froissés dans la surface mouillée. (...) De cette façon, il utilisait la farine à la fois comme colle et comme peinture."
à propos de Laszlo Moholy-Nagy :
"Il utilisait un support très peu sensible, que l'on pouvait préparer à vue, en lumière atténuée, et qui était ensuite exposé au soleil. (...) Moholy pouvait donc réaliser en lumière ambiante ses arrangements d'objets, de caches et de textures, qu'il disposait ensuite au soleil; il pouvait en outre contrôler le degré de noircissement au fur et à mesure de l'exposition et, s'il le désirait, interrompre le processus pour enlever, déplacer ou remplacer des éléments, modifiant ainsi très facilement l'orientation de l'arrangement?"
Dans les deux cas (collage Merz et photogramme), il y a abandon de l'outil intermédiaire qu'est le pinceau de façon à procéder directement, du bout des doigts, déplaçant, ajoutant ou retranchant les matériaux selon les besoins de la composition. (...) Celle-ci n'est donc pas entièrement arrêtée au préalable : l'image se construit par manipulations successives, qui sont bel et bien dépendantes de la technique. Car sans l'emploi de colle de pâte, pas d'eau et donc pas de malléabilité, pas de manipulations aussi fluides. Car sans l'emploi de ce type de support photosensible, pas de durée d'exposition et donc pas d'intervention possible en cours de route, pas de contrôle possible. C'est sans doute ce qui faisait dire à Jean Arp que "la colle était un élément important dant l'art "Merz" autant que l'oeuf le fut à Colomb pour la découverte de l'Amérique" (...) et qui faisait dire à Moholy-Nagy que "le support photosensible était l'outil le plus important du procédé photographique".
"Peinture photographie film" Kurt Schwitters et Laszlo Moholy-Nagy l'un par l'autre, Isabelle Ewig in la revue Pratique n°11

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