Ci-dessus, des photographies de : Xavier Ribas 2004, Lewis Baltz 1979, Marie Zawieja 2010, Robert Smithson 1967 |
Le peintre s'est même refusé à traiter différemment ce qui était à distance, comme on le fait d'ordinaie, en réduisant les détails ou en estompant le tracé ; proximité et lointains sont fondamentalement homogènes, ils se "réfléchissent l'un l'autre", selon l'expression consacrée et s'équivalent sous le regard. Celui-ci circule donc uniformément d'un bord à l'autre du rouleau, et seule la verticalité des fins branchages relie entre elles les deux rives, maintient à la surface ces divers plans. Aucun mouvements plus impulsif du pinceau ne vient troubler le calme qui se déploie de part en part, aucun trait ornemental, ou de simple agrément,ne vient relever la platitude de l'ensemble. En même temps, si décanté qu'il soit de toute opacité, si déchargé qu'il soit de toute pesanteur, un tel paysage n'en a pas moins sa consistance propre : les formes esquisées ont bien leur volume, le tachisme des points épars revêt le relief, d'un bout à l'autre, d'un peu de mousse, quelques traits sombres délimitent plus nettement, ici et là, la bordure des choses. Rien ne cherche à inciter ou à séduire, rien ne vise à fixer le regard ou forcer l'attention, et pourtant ce paysage existe pleinement comme un paysage. Les critiques chinois le caractérisent traditionnellement de ce mot : la "fadeur".
François Jullien, Eloge de la fadeur, éditions Philippe Picquier, 1991
Marie Zawieja 2010, Ni Zan 1372 |
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