Nous ne sommes pas des photographes
" (...) Notre vision, formée par l'art,
doit symboliser les relations spatiales des corps. Comme en plastique ou en
peinture nous ne pouvons reproduire que relativement la pénétration réelle de
la vision vivante ; nous devons nous résigner aux limites de leurs formes
d'expression. Nous ne pouvons pas nous restreindre à une méthode, aussi
séduisante soit-elle ; qu'elle soit basée sur la géométrie euclidienne, la
perspective ou les formules arbitraires de l'expressionisme ou du futurisme. Ce
sont là des problèmes de la photographie, plus exacte et plus juste que notre
oeil qui devrait être vivant et dynamique.
La vision, quand elle est créatrice, est la
configuration des tensions et des distensions des relations essentielles d'un
corps, que ce soit homme, bête, plante, pierre, machine, partie ou entité,
grand ou petit : elle n'est jamais le centre froidement et mécaniquement vu.
Mais, par les dimensions de l'espace, elle est réduite à l'essence qui
appartient aux choses ou aux corps. Elle est contraste qui nécessite son
complément. La mécanique morte ou notre vue déterminée par Newton n'est ni la
vision, ni la perception, mais la division du phénomène optique vivant et
dynamique en rubriques classifiées, en multiples catégories et notions. (...)
Nous n'avons pas des yeux pour pouvoir voir où
se trouve notre possession - voir
veut dire, reconnaître dans l'esprit, percevoir dans toutes les directions.
Non, nous ne sommes pas et ne voulons pas être
des photographes !"
Raoul Hausmann, extrait du Manifeste de 1921,
traduction de Raoul Hausmann
Je commence par ne pas photographier
"Si je vois quelque chose à l'extérieur, dans
la rue par exemple, je ne le photographie pas. Ainsi, je peux chercher et
rechercher une chose mais ne pas la
photographier. C'est seulement une petite différence en réalité. L'événement
présent disparaît en tant que photographie, il s'évanouie en tant que
photographie potentielle, elle n'a pas lieu, mais il ne disparaît pas, car je
suis le photographe. Alors ce que je fais là est encore de la photographie, ça
fait partie de mon processus. Je le mémorise vraiment et ensuite toute
l'affaire est de traiter avec cette mémoire. (...)" Jeff Wall
"Un jour il était photomonteur, l'autre peintre, le
troisième pamphlétaire, le quatrième dessinateur de mode, le cinquième éditeur
et poète, le sixième „optophonéticien“ et le septième il se reposait avec son
Hannah." dit Hans Richter de son ami Raoul Hausmann.
Jeff Wall quant à lui est toujours
photographe même quand il ne photographie pas. Photographier est pour lui un
processus bien plus large que le maniement de l'appareil, qui inclus d'autres
actes et à l'intérieur duquel la mémoire est clef.
Chez les deux artistes il s'agit de
ne pas se rendre à l'évidence mécanique de leur outil. L'un et l'autre
"apporte son corps" comme dit Maurice Merleau-Ponty citant Paul
Valéry.
Il faut apporter son corps à la
photographie.
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