jeudi 18 octobre 2012

Dix minutes dans le noir

Philippe Migeat, les artistes Anri Sala et Gabriel Orozco, série Dix minutes dans le noir, 1998-2012
Les modèles se sont rendus dans le studio pour une séance photographique faite dans l’obscurité totale pendant dix minutes. Photographe et le modèle sont entièrement plongés dans le noir sans dialogue. Dans ce face-à-face aveugle nulle intervention du langage seules les pensées pouvaient peut-être se rencontrer. Après ce laps de temps, un court, mais puissant, éclair de flash est déclenché. Cette lumière intempestive envahie, enveloppe, embrasse, le visage du modèle pour rendre les traits d’une personnalité presque absente.

Ce que je recherchais à travers cette obscurité c’est faire perdre au modèle les repères du monde réel, faire abstraction de l’espace environnant, pour mieux capter non seulement les traits, mais l’état d’esprit de la personne en ce moment précis. Dans le noir, les personnes ne peuvent pas poser, dans le sens classique du terme, car tout regard, miroir extérieur est absent; il reste alors une sorte état d’âme apprivoisé par la lumière soudaine.

Dans la "Chambre Claire", Roland Barthes disait à un moment donné : "Je voudrais en somme que mon image, mobile, cahotée entre mille photos changeantes, au gré des situations, des âges, coïncide toujours avec mon "moi". Ma quête dans ce travail est peut-être photographier ce "moi" de tout un chacun, tout ce qui dépasse les simples traits physiques, les contours de chaque visage portraituré. Je voudrais que l’âme transpire dans la photo. Philippe Migeat

Auguste Sander,  Homme du XXe siècle, Types et personnages de la grande ville, Photographe (August Sander) 1925 et Directeur du Musée de cire 1930

August Sander a presque exclusivement travaillé en lumière naturelle. Il utilisait pour ses portraits une durée d'exposition réglable de deux à huit secondes. Dans une revue de 1924, voilà comment il présente les avantages d'une exposition longue pour les portraits : " ...Si le souhait de travailler avec des temps de pose aussi courts que possible est certainement justifié pour des raisons techniques, un bon nombre de facteurs esthétiques plaident contre les expositions courtes. Un éclairage plus long évite cet aspect agard et figé que l'on a suffisamment l'occasion de voir sur les photos tirées de films; par les léger mouvements de surface liés à la respiration, cela donne plus de vie."

Deux façons d'utiliser la durée dans un dispositif de prise de vue.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire