dimanche 23 octobre 2016

Soleils : Solargraphy

Justin Quinnell, solargraph 2014
Adas Vasiliauskas, soliaografija, 2011

La solargraphie désigne une pratique photographique qui consiste à enregistrer des images de paysage en utilisant un sténopé et des temps d'exposition très longs, de l'ordre de plusieurs mois. 

Matt Bigwood, 2012
David Strange, 2008-2009
Une simple canette de bière devient ici l'appareil rudimentaire et idéal. On trouve en ligne des démonstrations très explicites et à la portée de tous pour fabriquer ce genre de sténopé. Pendant des mois l'appareil sera "abandonné" à son travail passif d'enregistrement d'une portion de réalité. La difficulté principale consiste à choisir (au jugé) un point de vue et à assurer la stabilité de l'appareil enregistreur (le sténopé) durant tout ce temps de pose. Il faut donc le caler, le fixer, le cacher peut-être, le rendre étanche aux intempéries. Le premier temps de fabrication de l'appareil (un bricolage très "domestique", qui peut commencer par le plaisir de la boisson) est prolongé par un deuxième temps beaucoup plus "social" de prise de position : trouver une place sûre (dans un monde ultra technologique) pour cet appareil anachronique et clandestin. Combien sont déjà en place autour de nous ?

Sténopés
L'image obtenue, elle, est très particulière.

1 - contrairement aux caméras de surveillance qui épient les moindres faits et gestes, elle n'enregistre quasiment que les mouvements astronomiques : elle dessine les trajectoires de la course du soleil au fil des jours sous la forme de lignes successives et juxtaposées plus ou moins lumineuses suivant les conditions météorologiques.

2 - Ses trajectoires sont rarement parallèles à cause de la forme du sténopé-canette. Le papier photo noir et blanc glissé à l'intérieur, contre la paroi de la canette, a en effet une position cylindrique qui produit une déformation de l'image.

3 - Cette image n'est pas obtenue en développant le papier photo de façon ordinaire (révelateur puis fixateur) mais en le scanant directement à la sortie du sténopé. Il n'y a donc pas d'image latente mais une image directe qui est rephotographiée par le scan. Cette opération est cruciale car unique : la lumière intense du scan va altérer en quelques secondes l'image patiemment recueillie au fil des mois sur le support encore sensible à la lumière.

4- La couleur bleue qui évoque une image nocturne (naturalisme ?) est obtenue en inversant numériquement la couleur rose-orangée du papier sensible. De même la taille finale de l'image dépend de la résolution numérique du scan.


Diego Lopez Calvin, solargraphia
Jesse Thompson
Ces images résultent d'un montage de temporalités très hétéroclites : archaïsme du sténopé : un trou dans un boîte noire qui permet à l'image d'apparaître + une surface sensible issue de l'industrie photographique du XIXe siècle : le papier + un scan numérique : fixation et visibilité contrôlée de l'image.

On peut donc penser que ce même montage est visible à l'intérieur de l'image produite.

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