lundi 24 mai 2021

Maintenant, le vide !

Maintenant le vide, étudiants de 1ère année, isdaT, 2021
Le vendredi 7 mai, avec les étudiants de première année de l'isdaT, nous avons séparé les gestes des objets. Nous avons suivi Malévitch dans le monde sans objets à partir de ses dernières peintures. Puis nous avons isolé de leur contexte quelques objets encore utiles de notre environnement immédiat. 
 
Le montage tente de visualiser un nouveau statut de l'objet qui ne rapporte plus celui-ci à un moule spatial, c'est-à-dire à un rapport forme-matière, mais à une modulation temporelle qui implique une mise en variation continue de la matière autant qu'un développement continu de la forme. (Gilles Deleuze, le Pli, 1988) 
 
Le livre en ligne est ici.

Sol Lewitt, Autobiographie, livre, 1980


Alberto Giacometti, L'Objet invisible, 1934 - Kazimir Malévitch, Travailleuse, Autoportrait, Portrait d'un jeune, Portrait d'un homme 1933 - Matta Clark, Variation sur Valley Curtain de Christo,1971-72 et photo lors d'un entretien
Malévitch qualifiait les portraits de la fin de sa vie (1932-1935) de "supranaturalistes", des portraits naturalistes travaillés par le suprématisme. Sous le régime stalinien la doctrine naturaliste est de rigueur. Frédéric Valabrègue écrit : À la geste emphatique des héros socialistes ou du travail exalté qui occupent maintenant toute la scène des arts, il substitue l'être dans son immobilité. Ce sont, d'une certaine manière les héros de l'aventure des avant-gardes, devenus des anti-héros, anti-soviétiques revêtus par l'espace suprématiste. Ce sont des portraits idéaux semblables dans l'esprit à ceux de la renaissance. Des mains s'ouvrent et se ferment, parfois sur un fond noir mais il n'y a plus rien à appréhender, la réalité manque. Jean-Claude Marcadé remarque que certains, comme l'autoportrait sont structurés sur la posture iconique de la mère de Dieu "Hodigitria", une icône populaire figurant la Vierge tenant l'enfant d'une main et montrant de l'autre son fils : la voie à suivre. Hodigitria vient du grec ancien signifiant : qui montre la voie. Quelle voie ? La travailleuse, elle, tient un enfant disparu. Malévitch montre un chemin invisible. Cette pensée de l’absence était celle du Suprématisme qui prônait le monde sans objets comme manifestation de la vraie réalité. Ici, la réalité échappe.

L'Objet invisible (Mains tenant le vide), de 1934 est la dernière œuvre surréaliste de Giacometti, une œuvre de rupture avant son retour à un travail d'après nature. Le regard, comme y invite le titre est attiré vers les mains arrêtées dans un mouvement de préhension. Mais elles sont vides.

Dora Maar a fait une photo de L'Objet invisible, il figure p.30 du livre d'André Breton, L'Amour fou. "Je n'avais pas cessé de m'intéresser au progrès de cette statue que, d'emblée, j'avais tenue pour l'émanation même du désir d'aimer et d'être aimé en quête de son véritable objet humain et dans sa douloureuse ignorance." écrit Breton. Plus loin, il raconte une promenade aux Puces avec Giacometti et la trouvaille de deux objets, un masque par Giacometti et une cuillère en bois par lui-même. Les deux amis débattant sur le sens à donner à de telles trouvailles, il s'avéra que, quittant la fonction qu'ils tentaient de leur assigner, ces objets prirent une place inattendue dans leur travaux respectifs et le masque aida Giacometti à vaincre l'indécision dans laquelle il était depuis plusieurs jours sur la forme à donner au visage du personnage de l'Objet invisible. André Breton remarque ici que la trouvaille d'objet remplis rigoureusement le même office que le rêve en ce sens qu'elle libère l'individu de scrupules affectifs paralysants. C'est étonnant que cette sculpture, toute entière construite autour de la présence de l'objet invisible tenu entre les mains du personnage, trouve son achèvement grâce à un autre objet (le masque) qui, exerçant sur l'artiste "l'attraction du jamais vu", surgit de façon totalement inattendue sur l'étal d'un marchand. À partir de là la sculpture peut apparaître.

La présence du vide est active. Maintenant, le vide !


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