On le sait, l'inauguration désigne le champ d'observation rectangulaire que l'augure trace dans le ciel avec son bâton recourbé, où il notera le passage des oiseaux.
Alors que pour le cartographe le ciel (comme la terre) est un donné préalable, permanent et universellement vrai, pour l'augure il est tellement insignifiant qu'il se fabrique un autre ciel, limité, provisoire, immédiatement rentable et aussitôt répudiable. L'espace ainsi créé est le lieu d'un passage particulier et non d'une organisation générale et durable. Et le propre de ce passage, c'est d'être aléatoire. Quant aux rapports que l'augure entretien avec les oiseaux, c'est un simple rapport d'observation. Le passage des oiseaux n'est pas régi par l'augure, mais par hasard. Autant dire par rien. Il a lieu ou n'a pas lieu. Juste un carré de ciel dans lequel rien ne passe ou passent des oiseaux — non pas eux comme ils veulent, auteurs du passage, mais objets d'un regard —, non le ciel où ils passent mais les yeux de l'augure. Pas même ce passage mais la forme à laquelle il donne lieu, du côté où les oiseaux sont vus passer. S'ils passent dans le champ du regard, ils font ce ciel découpé dans le ciel. Ainsi personne n'a rien fait. Pas de geste. Simplement a eu lieu une rencontre. Cette rencontre particulière. Comme fait accompli. Le lieu de l'accomplissement. "Une théâtralité de l'air."
Emmanuel Hocquard, " Il rien", Un Privé à Tanger, p.54-55, pol, 1987
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