lundi 11 avril 2011

Objet levé, objet posé

Jessica Stockholder - Robert Rauschenberg

Les objets se tenant près du mur sont levés ou posés. L'un ou l'autre, ou les deux à la fois : appuyés, lachés. Il y a toutes sortes de plis dans cet espace de l'angle droit : tombants, cassés, articulés ou souples. L'objet se tient sur un plan ou sur l'autre, posé ou levé. Ou encore il passe de l'un à l'autre, plateau d'un meuble longeant le mur, tombée d'un tissu, arc d'une corde.

Les peintures de Rauschenberg se tiennent sur cette frontière entre ce qui est posé au sol et ce qui est levé au mur. A peine une acrobatie ou un relachement, suffisent pour que la place de l'objet n'aille plus de soi et que l'emplacement de la peinture soit questionnée. Comme un clou en trompe l'oeil, dans une peinture de Braque pouvait le faire.

Dans les installations de Jessica Stockholder, tous les paramètres de la peinture, via ce passage de l'angle droit ont investis l'espace où le regardeur se tient. Par des jeux complexes de rabattement, de prolongement, de découpe, les objets peints ont un poids.

Dans les deux cas l'idée de peinture ne renvoie plus à l'objet-peinture (le tableau) mais au phénomène coloré constitué par les objets : tapis, meuble, enseigne, bassine... et à la production d'agencement-peinture : combines.

D'une façon ou d'une autre, la peinture transige avec le poids des choses : celui d'une toile, d'un papier, d'un chassis ou d'une touche de couleur.

Robert Rauschenberg - Michelangelo Pistoletto, Lunch Painting, 1965

Le photographe, lui, grâce au fond continu, peut désolidariser son objet de l'espace (lui ôter le sol). En effaçant ainsi la ligne de séparation entre le mur et le sol, il place l'objet dans une surface toute visuelle, malgré la force de gravité qui oriente son apparente uniformité. Le fond continu est lui-même un objet mental, une hyperbole appuyée sur ses deux asymptotes pour réunir visuellement les deux plans orthogonaux. En reliant l'horizontale et la verticale par un seul plan, le fond continu enlève l'objet et l'expose dans une épaisseur paradoxale et indéfinie.

photos Goria - 2011

2 commentaires:

  1. Effectivement, à ceci près qu'il faut ensuite résoudre la délicate question de la présentation. Et la peinture, on sait comment l'accrocher, puisqu'il y a la ligne du sol dessous. La photo… c'est autrement compliqué. De ce point de vue, je trouve que le livre est une des présentations les plus pertinente de la photo. Sinon l'écran, mais de cinéma (ce qui lance une autre question en plus).

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  2. A ce sujet (le cinéma, l'écran), nous avons tenté, avec Pascal Poyet, au cours d'une performance à la Maison de la Poésie, à Paris le 2 avril, de "poser", justement, les images sur l'écran. J'espère qu'il y aura bientôt des traces de cette expérience en ligne...

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