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Bertrand Lavier, Walt Disney Productions, 1947-1985, photographie cibachrome |
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B. Lavier, Walt Disney Productions, 1947-2013, Acrylic on inkjet print, 214 x 216 cm |
En 1986 des photographies de la série Walt Disney Productions , de Bertrand Lavier, figuraient dans
l'exposition "Tableaux abstraits" à la Villa Arson. Ce sont de
grandes photographies cibachromes qui reproduisent, agrandis, une série de
tableaux abstraits inventés en 1947 par le Studio Disney pour meubler le Musée
d'art moderne que visitent Mickey et Minnie au cours d'un de leurs périples.
L'épisode est repris dans le journal de Mickey en 1977 sous le titre français
de Traits très abstraits. Bertrand
Lavier a isolé les peintures qui constituent le décor de l'histoire et les a
fait accéder à une réalité très tangible. Montrées à de vrais visiteurs, à une
échelle adaptée aux lieux d'art, ses peintures dessinées et tramées sont
devenues en 1984... des photographies.
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Cases issues du Journal de Mickey n°1279 de janvier 1977 |
Sensées être dans la bande dessinée des reproductions de
peintures d'un musée imaginaire, ce sont ces reproductions qui sont reproduites
pour devenir vraies oeuvres, regardées, discutées, achetées… Des oeuvres
photographiques remplaçant à l'échelle un d'hypothétiques tableaux abstraits
destinés davantage, en 1947, à figurer une idée de peinture abstraite qu'une
quelconque réalité de cette peinture. (Le monde de Mickey n'est ni prospectif
ni documentaire). En 1977, les pseudo peintures abstaites ont intégré des
éléments du pop art et en 1984 Lavier, lui, sous la surface lisse de la
photographie fait affleurer l'idée de la peinture alors qu'en même temps il
montre ailleurs différents objets sous la peau épaisse et mouvementée de cette même
idée de la peinture.
En 2002, lors de son exposition au Musée d'Art Moderne à
Paris l'artiste accrochera les Walt
Disney Productions dans un espace séparé du public par une vitre, recréant
une distance, une "bulle" ou une "case", soulignant leur
origine et troublant ainsi leur statut trop complètement acquis de peintures
contemporaines. En septembre 2013, il expose chez Yvon Lambert une nouvelle
version des Walt Disney Productions
sous d'autres formats et utilisant d'autres modes de reproduction (3D, jet
d'encre...) qui soulignent maintenant les pratiques actuelles et les liens complexes
de la reproduction et de la peinture.
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Bertrand Lavier, Walt Disney Productions, 1947-2013 |
En
reproduisant ces "peintures", Bertrand Lavier les déplace et en
paraphrasant Héraclite : il ne les reproduit jamais deux fois dans le même
fleuve, jamais deux fois avec la même technique, jamais deux fois à la même
taille, ni dans le même espace, jamais deux fois les mêmes perceptions, ni les
mêmes enjeux, finalement jamais deux fois les mêmes reproductions. Peinture et
reproduction interchangeables, se mirant l'une dans l'autre, se superposant en un jeu infini de
variations sans origine. L'invention de Lavier est d'avoir donné à l'idée une condition d'objet idéal.
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Bertrand Lavier, Walt Disney Productions, 1947-2013, Galerie Yvon Lambert |
Il faut que les photographies deviennent des objets idéals.
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