Barry Frydlender, Raid, 2003 |
Barry Frydlender, Shirat Hayam, 2005 |
Chaque
photographie de Barry Frydlender est une image composite de
plusieurs centaines d'images numériques prises à des intervalles de quelques minutes, quelques heures ou
parfois quelques jours. Un travail énorme, de manipulation numérique est
nécessaire pour fabriquer ces tirages de grand format devant lesquels le visiteur
fait l'expérience troublante de retrouver les mêmes personnes dans des
attitudes, dans des espaces et des temps différents.
Le travail de Barry Frydlender s'oppose à l'idée qu'une photographie, en une fraction de seconde puisse
capturer quelque réalité visuelle. La perception humaine s'avère beaucoup plus
complexe. Le coeur de notre expérience quotidienne ne peut être capturée de
manière convainquante par des photographies, coupes terriblement fragiles dans
le monde visuel ; ni même dans une image-mouvement qui toujours se perd dans
l'accumulation du mouvement. Barry Frydlender résoud ce problème en combinant
l'image fixe à l'image-mouvement. Par le montage de 'coupes temporelles' prises
à des moments différents, il 'élargit' son image dans le temps.
Johann Link, Instantané, 1890 - Thomas Eakins, Etude de saut, chronophotographie sur plaque fixe, 1884 |
Le mouvement a donc deux faces, en quelque sorte. D'une part
il est ce qui se passe entre objets ou parties, d'autre part ce qui exprime la
durée ou le tout. Il fait que la durée, en changeant de nature, se divise dans
les objets, et que les objets, en s'approfondissant, en perdant leur contours,
se réunissent dant la durée. On dira donc que le mouvement rapporte les objets
d’un système clos à la durée ouverte, et la durée aux objets du système qu’elle
force à s’ouvrir. Le mouvement rapporte les objets entre lesquels il s'établit
au tout changeant qu'il exprime, et inversement. Par le mouvement, le tout se
divise dans les objets, et les objets se réunissent dans le tout : et,
entre les deux justement, “tout” change. Les objets ou parties d’un ensemble,
nous pouvons les considérer comme des coupes
immobiles ; mais le mouvement s’établit entre ces coupes, et rapporte
les objets ou parties à la durée d’un tout qui change, il exprime donc le
changement du tout par rapport aux objets, il est lui-même une coupe mobile de la durée.
Gilles Deleuze, L'Image-mouvement,
1983, Editions de Minuit
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