Abelardo Morell, Light Bulb, 1991
Abelardo Morell fait des photographies en utilisant le principe de la camera obscura mais la camera obscura est aussi le propos de son travail. En couvrant toutes les fenêtres de plastique noir, il transforme les chambres d'hôtel qu'il occupe en machine à photographier. Un simple trou dans le plastique permet la formation de l'image inversée de la vue extérieure sur le mur opposé à la fenêtre. A l'aide d'une chambre grand format il photographie cette image de l'extérieur confrontée à l'architecture et au mobilier de la chambre. Depuis plusieurs années son travail évolue. Des prises de vue en noir et blanc qui nécessitaient un temps de pose de plusieurs heures (entre 6 et 10 heures) il est passé à une photographie en couleur de plus en plus rapide grâce à la technologie numérique. Il a rajouté une optique au trou initial et a donc gagné en définition de l'image projetée. Et maintenant, en utilisant un prisme, il renverse l'image, qui se projette donc à l'endroit sur le mur. Il gagne au fil du temps un certain réalisme qui permet à extérieur et intérieur de cohabiter de manière plus équitable sur l'image finale. L'image est à l'endroit, les détails sont bien définis, les objets rapides comme les voitures laissent leur image et non plus une traînée, les horloges gardent leurs aiguilles.
On peut se demander si ce réalisme-là n'est pas conquis au détriment d'une autre partie de la réalité.
D'après Jonathan Crary, dans de nombreuses descriptions de la chambre noire au XVIIIe siècle, sa représentation du mouvement passe pour sa caractéristique la plus frappante. Les observateurs s'étonnent souvent que les images fugitives qu'elle montre (des piétons en train de marcher ou des branches bercées par le vent) soient plus vivantes que les objets de départ (...) Ce qui est capital dans la chambre noire, c'est d'une part le rapport qu'elle institue entre l'observateur et le monde illimité, indifférencié, qui se déploie dehors, et d'autre part la manière dont le dispositif morcelle ou délimite méthodiquement cette étendue, afin de la donner à voir sans rien sacrifier de son essentielle vitalité. Mais le mouvement et la temporalité qui apparaissent si nettement dans la chambre noire précède toujours l'acte de représentation ; on peut voir le mouvement et le temps, en faire l'expérience, mais jamais les représenter.
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