dimanche 6 octobre 2013

Living Photographs


Mole & Thomas, Human Statue of Liberty, c. 1918 - 
Eugene Goldbeck, Indoctrination Division, Air Training Command, Lackland Air Base, San Antonio, 19 juillet 1947
Les Living Photographs et les Living Insignia d'Arthur Mole [et John Thomas] sont des tentatives photographiques de récupérer la vieille image d'identité nationale au moment où les États-Unis entraient en guerre en 1917.
Ces formations militaires servent de points de ralliement pour soutenir l'engagement américain dans la guerre et affaiblir la tendance isolationniste. En temps de guerre, ces images patriotiques fonctionnent comme de la propagande nationaliste et exemplifient les valeurs de citoyenneté tant pour les participants que pour les consommateurs de ces photographies de groupe. 
Eugene Omar Goldbeck est apparu un peu plus tard sur la scène des Living Photographs.
Mole a appelées ces images "Living Photographs". Du point de vue du photographe, les emblèmes prennent vie au moyen des soldats vivants qui les incarnent. Mais on peut aussi regarder ces images du point de vue inverse : l'humain est anéanti dans la forme et dans la formation, il est tourné en emblème. L'emblème devient le centre d'intêret alors que l'élément vivant quitte le portrait de groupe dans ces illusions d'optiques spectaculaires. Cette soumission totale de l'individu à l'ordre symbolique annonce les logiques totalitaires. Les photographies vivantes de Mole masquent habilement les forces de mort qui se saisissent de la communauté entière.


Spencer Tunick, Mer Morte, 2011 - Chile 2 (Museo de Arte Contemporáneo) 2002 - Mexico City 4 Zócalo, 2007 
L’artiste américain Spencer Tunick réalise en 1992 sa première photographie avec des modèles nus dans les rues de New York, puis poursuit dans d'autres grandes villes américaines. La renommée de Spencer Tunick grandissant, il réalise ses œuvres partout à travers le monde : Londres, Melbourne, Montréal, Israël, São Paulo, Amsterdam, Munich, Vienne, Lyon... Si la photographie constitue la trace ultime de son travail,  Tunick revendique pleinement son statut d’artiste au travers d’installations. Tous les modèles sont volontaires, non rémunérés et reçoivent la photographie sur laquelle ils ont posé, dédicacée par l'artiste.

Massimo Vitali
Le photographe Italien Massimo Vitali photographie des plages depuis une plate-forme en hauteur à l’aide d’un appareil photo grand format.

"Je me suis mis à l'eau, sinon je ne pouvais avoir personne de face. Ensuite, j'ai fait construire un échafaudage de cinq mètres de hauteur, à six mètres du rivage. Là, je regarde les gens de haut, mais sans me sentir supérieur ! Je travaille à la chambre. Une fois installé, je ne peux plus bouger l'appareil, puisqu'il est très lourd, et j'attends... des heures, cinq, six, sept... jusqu'à ce que je déclenche : il ne se passe rien d'extraordinaire, seulement quelques petites histoires qui se jouent en même temps. Voilà le processus, et d'une certaine façon ma philosophie : je ne cherche rien avec ma caméra, c'est le monde qui vient se placer dedans."

Spencer Tunick, Massimo Vitali, Eugene Goldbeck
Carmen Perrin, Carte postale pour l'exposition Genuis Loci, 1998, Kunsthalle de Berne, photo Jacques Berthet 
Toutes les personnes se trouvant dans les bâtiments bordant la place ont été invitées à descendre ensemble sur la place, le temps d'une photographie.


Francis Alÿs, 
Zocalo, Mexico D.F., 14 nov. 1998
Zocalo (Mexico City, 1999, collaboration avec Rafael Ortega) est un film documentaire de 12h montrant la progression en temps réel de l'ombre du mât de la place Zocalo (la place principale à Mexico) pendant une journée.

La place Zocalo a été conçue au début de l'ère révolutionnaire comme un lieu pour les énormes spectacles de propagande et est devenue avec le temps l'espace idéal pour exprimer le mécontentement public. Le film de Francis Alÿs enregistre comment des rencontres sociales arbitraires peuvent parfois être perçues comme des situations sculpturales.

Francis Alÿs, When Faith Moves Mountains, 11 avril 2002
Le 11 avril 2002, 500 volontaires, la plupart des étudiants de l'Université de Lima, équipés de pelles ont formé une seule ligne au pied d'une dune de sable géante à Ventanilla, une région de désert aux portes de Lima.
Le groupe a été réuni à la demande de l'artiste Francis Alÿs. Ils leur a ensuite demandé d'enlever régulièrement, pas à pas, des pelletées de sable depuis le bas au fur et à mesure de leur ascension vers le sommet de la dune. Leur tâche était de déplacer la montagne.
"Une situation désespérée exige une solution absurde," explique Cuauhtémoc Médine, le conservateur mexicain qui a aidé à organiser le projet.
En 2000, quand l'artiste avec Médine Cuauhtémoc préparait l'action "Quand la Foi Déplace des Montagnes", il a été témoin du bouleversement politique autour de la dictature corrompue du président du Pérou Alberto Fujimori. Dans les rues l'artiste a ressenti la tension et le poids du désespoir porté par les citoyens du pays.
Le désert de Ventanilla a été choisi parce qu'il se trouve au bout des terrains habitables bordant la côte péruvienne connue pour héberger les villages de fortune des déplacés et des pauvres rejetés par l'économie du pays.
Selon les mots de l'artiste : "Lima, une ville de neuf millions d'habitants, est située sur une bande de terre le long de la côte Pacifique du Pérou. La ville est entourée par d'énormes dunes de sable sur lesquelles les bidonvilles sont apparus brusquement, peuplés par des immigrants économiques et les réfugiés politiques qui ont échappés à la guerre civile des années 80 et 90 et à la guérilla menée par le Sentier Lumineux. Après une semaine de reconnaissance, nous avons choisi les dunes Ventanilla, où plus de soixante-dix mille personnes vivent sans eau et sans électricité."
L'absurdité de la tentative de déplacer une montagne est dans la droite ligne du travail de Francis Alÿs et de sa manière d'aborder le monde dans son travail. Il voit des obstacles et l'oppression et commence par une action qu'il sait pouvoir entreprendre - sans se préoccuper de l'apparent non sens ou folie de l'entreprise.
Dans une de ses premières œuvres "Paradoxe de la pratique (Parfois faire quelque chose mène à rien)" (1997), Alÿs a poussé un grand bloc de glace en bas les rues de Mexico City pendant des heures jusqu'à ce qu'il ait été réduit en flaque.

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