Mole
& Thomas, Human Statue of Liberty, c. 1918
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Eugene Goldbeck, Indoctrination
Division, Air Training Command, Lackland Air Base, San Antonio, 19 juillet
1947
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Les Living Photographs et les Living Insignia d'Arthur Mole [et John Thomas] sont des tentatives photographiques de récupérer la vieille image d'identité nationale au moment où les États-Unis entraient en guerre en 1917.
Ces
formations militaires servent de points de ralliement pour soutenir
l'engagement américain dans la guerre et affaiblir la tendance isolationniste. En
temps de guerre, ces images patriotiques fonctionnent comme de la propagande
nationaliste et exemplifient les valeurs de citoyenneté tant pour les
participants que pour les consommateurs de ces photographies de groupe.
Eugene
Omar Goldbeck est apparu un peu plus tard sur la scène des Living Photographs.
Mole
a appelées ces images "Living Photographs". Du point de vue du
photographe, les emblèmes prennent vie au moyen des soldats vivants qui les
incarnent. Mais on peut aussi regarder ces images du point de vue inverse :
l'humain est anéanti dans la forme et dans la formation, il est tourné en
emblème. L'emblème devient le centre d'intêret alors que l'élément vivant
quitte le portrait de groupe dans ces illusions d'optiques spectaculaires.
Cette soumission totale de l'individu à l'ordre symbolique annonce les logiques
totalitaires. Les photographies vivantes de Mole masquent habilement les forces
de mort qui se saisissent de la communauté entière.
Spencer Tunick, Mer Morte, 2011 - Chile 2 (Museo de Arte Contemporáneo) 2002 - Mexico City 4 Zócalo, 2007
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L’artiste américain
Spencer Tunick réalise en 1992 sa première photographie avec des modèles
nus dans les rues de New York, puis poursuit dans d'autres grandes villes américaines.
La renommée de Spencer Tunick grandissant, il réalise ses œuvres partout à travers le monde : Londres, Melbourne, Montréal, Israël, São
Paulo, Amsterdam, Munich, Vienne, Lyon... Si la photographie constitue la trace ultime de son
travail, Tunick revendique pleinement son statut d’artiste au travers
d’installations. Tous les modèles sont volontaires, non rémunérés et
reçoivent la photographie sur laquelle ils ont posé, dédicacée par l'artiste.
Massimo Vitali |
"Je me suis mis à l'eau, sinon
je ne pouvais avoir personne de face. Ensuite, j'ai fait construire un
échafaudage de cinq mètres de hauteur, à six mètres du rivage. Là, je regarde
les gens de haut, mais sans me sentir supérieur ! Je travaille à la chambre.
Une fois installé, je ne peux plus bouger l'appareil, puisqu'il est très lourd,
et j'attends... des heures, cinq, six, sept... jusqu'à ce que je déclenche : il
ne se passe rien d'extraordinaire, seulement quelques petites histoires qui se
jouent en même temps. Voilà le processus, et d'une certaine façon ma
philosophie : je ne cherche rien avec ma caméra, c'est le monde qui vient se placer
dedans."
Spencer Tunick, Massimo Vitali, Eugene Goldbeck |
Carmen Perrin, Carte postale pour l'exposition Genuis Loci, 1998, Kunsthalle de Berne, photo Jacques Berthet |
Francis Alÿs, Zocalo, Mexico D.F., 14 nov. 1998 |
La place Zocalo a été conçue au début de l'ère
révolutionnaire comme un lieu pour les énormes spectacles de propagande et est
devenue avec le temps l'espace idéal pour exprimer le mécontentement public. Le film de Francis Alÿs enregistre comment des rencontres sociales
arbitraires peuvent parfois être perçues comme des situations sculpturales.
Francis Alÿs, When Faith Moves Mountains, 11 avril 2002 |
Le 11 avril 2002, 500 volontaires, la plupart des étudiants de l'Université de Lima, équipés de pelles ont formé une seule ligne au pied d'une dune de sable géante à Ventanilla, une région de désert aux portes de Lima.
Le
groupe a été réuni à la demande de l'artiste Francis Alÿs. Ils leur a ensuite
demandé d'enlever régulièrement, pas à pas, des pelletées de sable depuis le
bas au fur et à mesure de leur ascension vers le sommet de la dune. Leur tâche
était de déplacer la montagne.
"Une situation
désespérée exige une solution absurde," explique Cuauhtémoc Médine, le
conservateur mexicain qui a aidé à organiser le projet.
En 2000, quand
l'artiste avec Médine Cuauhtémoc préparait l'action "Quand la Foi Déplace
des Montagnes", il a été témoin du bouleversement politique autour de la
dictature corrompue du président du Pérou Alberto Fujimori. Dans les rues
l'artiste a ressenti la tension et le poids du désespoir porté par les citoyens
du pays.
Le
désert de Ventanilla a été choisi parce qu'il se trouve au bout des terrains
habitables bordant la côte péruvienne connue pour héberger les villages de
fortune des déplacés et des pauvres rejetés par l'économie du pays.
Selon
les mots de l'artiste : "Lima, une ville de neuf millions d'habitants, est
située sur une bande de terre le long de la côte Pacifique du Pérou. La ville
est entourée par d'énormes dunes de sable sur lesquelles les bidonvilles sont
apparus brusquement, peuplés par des immigrants économiques et les réfugiés
politiques qui ont échappés à la guerre civile des années 80 et 90 et à la
guérilla menée par le Sentier Lumineux. Après une semaine de reconnaissance,
nous avons choisi les dunes Ventanilla, où plus de soixante-dix mille personnes
vivent sans eau et sans électricité."
L'absurdité
de la tentative de déplacer une montagne est dans la droite ligne du travail de
Francis Alÿs et de sa manière d'aborder le monde dans son travail. Il voit des
obstacles et l'oppression et commence par une action qu'il sait pouvoir
entreprendre - sans se préoccuper de l'apparent non sens ou folie de
l'entreprise.
Dans
une de ses premières œuvres "Paradoxe de la pratique (Parfois faire quelque chose mène à rien)" (1997), Alÿs a poussé un grand bloc de glace en bas
les rues de Mexico City pendant des heures jusqu'à ce qu'il ait été réduit en
flaque.
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