Leila Alaoui, série Les Marocains |
Les Marocains est une série de portraits photographiques grandeur nature réalisés dans un studio mobile que j’ai transporté autour du Maroc. Puisant dans mon propre héritage, j’ai séjourné au sein de diverses communautés et utilisé le filtre de ma position intime de Marocaine de naissance pour révéler, dans ces portraits, la subjectivité des personnes que j’ai photographiées. Inspirée par “The Americans”, le portrait de l’Amérique d’après-guerre réalisé par Robert Frank, je me suis lancée dans un road trip à travers le Maroc rural afin de photographier des femmes et des hommes appartenant à différents groupes ethniques, Berbères comme Arabes. Ma démarche, qui cherche à révéler plus qu’à affirmer, rend les portraits réalisés doublement “documentaires” puisque mon objectif – mon regard – est à la fois intérieur et critique, proche et distancié, informé et créatif. Ce projet, toujours en cours, constitue une archive visuelle des traditions et des univers esthétiques marocains qui tendent à disparaître sous les effets de la mondialisation.
Cette manière hybride de concevoir le documentaire fait écho à la démarche corrective postcoloniale que de nombreux artistes contemporains engagent aujourd’hui afin d’écarter de l’objectif l’exoticisation de l’Afrique du Nord et du monde arabe très largement répandue en Europe et aux Etats-Unis. Le Maroc a longtemps occupé une place singulière dans cette utilisation de la culture historique – en particulier des éléments de l’architecture et des costumes nationaux – pour construire des fantasmes d’un « ailleurs » exotique. Les photographes utilisent souvent le Maroc comme cadre pour photographier des Occidentaux, dès lors qu’ils souhaitent donner une impression de glamour, en reléguant la population locale dans une image de rusticité et de folklore et en perpétuant de ce fait le regard condescendant de l’orientaliste. Il s’agissait pour moi de contrebalancer ce regard en adoptant pour mes portraits des techniques de studio analogues à celles de photographes tels que Richard Avedon dans sa série“In the American West”, qui montrent des sujets farouchement autonomes et d’une grande élégance, tout en mettant à jour la fierté et la dignité innées de chaque individu. »
Leila Alaoui
Cette manière hybride de concevoir le documentaire fait écho à la démarche corrective postcoloniale que de nombreux artistes contemporains engagent aujourd’hui afin d’écarter de l’objectif l’exoticisation de l’Afrique du Nord et du monde arabe très largement répandue en Europe et aux Etats-Unis. Le Maroc a longtemps occupé une place singulière dans cette utilisation de la culture historique – en particulier des éléments de l’architecture et des costumes nationaux – pour construire des fantasmes d’un « ailleurs » exotique. Les photographes utilisent souvent le Maroc comme cadre pour photographier des Occidentaux, dès lors qu’ils souhaitent donner une impression de glamour, en reléguant la population locale dans une image de rusticité et de folklore et en perpétuant de ce fait le regard condescendant de l’orientaliste. Il s’agissait pour moi de contrebalancer ce regard en adoptant pour mes portraits des techniques de studio analogues à celles de photographes tels que Richard Avedon dans sa série“In the American West”, qui montrent des sujets farouchement autonomes et d’une grande élégance, tout en mettant à jour la fierté et la dignité innées de chaque individu. »
Leila Alaoui
Leila Alaoui, série Les Marocains |
Grièvement blessée vendredi 15 janvier à Ouagadougou, lors des attaques contre le restaurant Cappuccino où elle était attablée, et l’hôtel Splendid, Leila Alaoui a succombé lundi soir à ses blessures. Elle s’était rendue dans la capitale du Burkina Faso dans le cadre d’un projet de documentaire sur les violences faites aux femmes en Afrique de l’Ouest, initié par l’ONG Amnesty International.
Leila Alaoui, série Les Marocains |
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