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Bernard Voïta, sans titre, 1988 |
Alberti conseillait au peintre d'interposer un voile transparent, l'intersecteur, entre lui et le spectacle qu'il voulait peindre, pour y reporter le contour des objets. Dans les photos de Bernard Voïta, l'espace entier est occupé à la fabrication de ce plan pour le point de vue de l'appareil. Pas de manipulation numérique de l'image, la phtoto est analogique.
J'imagine les nombreuses vérifications : un peu plus loin, encore à droite, plus près… L'appareil est le lieu d'où on vérifie une géométrie qui est surtout une intention de géométrie. Quelle patience ! Quelle bricole ! Une cale, un fil, un léger basculement. Tous ces allers-retours de part et d'autre de l'optique. Quel tour ! Le tour que prennent les choses (leur disposition) et le truc (ça tient !) L'image qui en sort (du déclic) est le fruit d'une longue fréquentation des objets, du plaisir d'en être (être parmi les choses) et d'une fatigue qui arrive au bout de toutes les dispositions (au bout et à bout) la photo ouf.
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Bernard Voïta, Caméra VIII, I et VI, 2003-2011 |
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Bernard Voïta, Caméra V et IV, 2003-2011, Digital print, 280 x 250 cm
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Quand vous regardez un tableau ou une photo, vous avez certainement une vue d'ensemble, mais qu'est-ce qu'on voit quand on voit l'ensemble ? J'aimerais le savoir. On perçoit l'ensemble, mais quand on commence à regarder, l'œil va s'attacher à certains éléments. Il va non pas découper physiquement, mais isoler, mettre en relief, avec une zone de flou autour, des éléments qui sont des détails. Mais ce ne sont plus les mêmes que les premiers.
Daniel Arasse, Histoires de peinture, 2004
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Les photos en noir et blanc montrent ce fait : elles sont grises, ce sont des images de la théorie.
En effet, elles traduisent la théorie optique en images ; ce faisant, elles chargent cette théorie de magie et encodent des concepts tel que ceux de "noir" et de "blanc" en état de choses. Les photos en noir et blanc sont la magie de la pensée théorique, dans la mesure où elles transforment le discours théorique linéaire en surfaces. Là réside leur beauté propre, qui n'est autre que la beauté de l'univers conceptuel.
Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie, 1993
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Bernard Voïta, Jalousie, 2017, Métal laqué, 80 x 60 x 7 cm (fermé) |
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Bernard Voïta, Jalousie I et II, 2017, Métal laqué, 180 x 130 x 7 cm (fermé) |
Certains appareils photo s'ouvrent. On déploie le soufflet. Parfois on zoome et l'objectif s'étire vers l'avant. À l'allumage d'un compact numérique, l'objectif sort du boîtier. Tout un rituel de dépliage précède la prise de vue. Une avancée !
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Bernard Voïta, sans titre, 1990-1991,138 x 138 cm |
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