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Kenneth Josephson, New York State, 1970
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Kenneth Josephson, Matthew, 1965 |
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Kenneth Josephson, Polapan, 1973
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Kenneth Josephson,Washington, D.C. 1975
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Kenneth Josephson, Chicago, 1973 |
Parallèlement à son travail de cinéaste, Yohan Van der Keuken a beaucoup photographié. L'attention de ce grand cinéaste aux choses du monde et aux gens l'a conduit, comme l'écrit Alain Bergala, à repenser, par sa pratique, la notion photographique d'instant décisif, donnant à l'acte photographique une envergure telle que Bergson l'avait imaginée pour la connaissance, dans l'analyse du "mécanisme cinématographique de la pensée et l'illusion mécanistique", appelant la durée vraie : le temps-invention.
"...Le caractère cinématographique de notre connaissance des choses tient au caractère kaleïdoscopique de notre adaptation à elles...
...Tous les instants se valent. Aucun d'eux n'a le droit de s'ériger en instant représentatif ou dominateur des autres. Et, par conséquence, nous ne connaissons un changement que lorsque nous savons déterminer où il en est à l'un quelconque de ses moments...
Cadrer, pour le cinéaste VdK, relève toujours d'un arbitraire où il a le sentiment de faire du tort au monde, à la fameuse "robe sans couture de la réalité" chère à André Bazin. VdK est souvent partagé entre son goût de la tenue des images (sans laquelle l'homme à la caméra serait démissionnaire devant son art et ne saurait se saisir de rien) et le sentiment qu'il y a toujours une arrogance dommageable dans le fait de sectionner un morceau du réel et de lui faire rendre sens contre son gré. Il lui est arrivé d'employer le terme d'excision pour qualifier ce qu'il y a ontologiquement d'agressif, à ses yeux, dans l'acte pourtant indispensable de cadrer. Le mot en dit long sur la réticence du cinéaste qui n'est pas seulement une réticence morale mais surtout un regret, celui d'ôter au monde une dimension d'innocence qui ne peut résider que dans la jouissance de sa propre étendue illimitée. A être cadré, le corps de la réalité souffre d'une ablation qui lui enlève la possibilité de jouir de sa propre infinitude où le sens flotte indéfiniment avec bonheur. Van der Keuken cinéaste a inventé ses désormais fameux "décadrements" (...)
Comment cadrer sans arrogance ni offense faite au monde ? VdK a cherché sans cesse en photographie à déjouer la pseudo-fatalité du cadre unique et inéluctable. Il a essayé de mettre en œuvre toutes les stratégies imaginables (et techniquement praticables) pour gommer ce qu'il y a toujours de trop affirmatif (je vois ceci !) dans la photographie finie. Pour substituer l'état d'indécision, en photographie, à l'instant décisif.
Une autre stratégie, tentée par VdK dans sa résistance à l'image définitive, consiste à feuilleter des temps successifs dans un même cadre. Si le cadre, ici, est unique, il contient (mal : le monde déborde, se chevauche, s'agite, grouille) des temps feuilletés qui le font imploser comme cadre. Il perd une grande partie de son pouvoir d'imposer un ordre au monde pour devenir un contenant où grouille l'aléatoire, l'insaisissable et le pas-tout-à-fait maîtrisable.
Alain Bergala, De la photographie comme art de l'inquiétude (introduction à L'oeil lucide)
Un entretien avec Alain Bergala, ici
"La photographie est un moment du texte."
Jean-Luc Godard
in 6x2 (sur et sous la communication) - 2e partie : Leçons de chose / Jean-Luc - Jean-Luc Godard, Anne-Marie Miéville. 1976. France. Couleurs. Vidéo.
Lawrence Weiner / Eve Sonneman, How to touch what
Dans la série des "forages", Carmen Perrin réalise des perforations circulaires, à l'emporte-pièce, dans les pages et les images d'anciens numéros de Paris Match. C'est en enlevant des portions d'images, voire même le plus possible de cercles dans la page qu'elle se met à voir à travers les pages, à convoquer l'épaisseur de la revue dans la lecture superficielle des images. Donner à voir est ici construire en fabriquant de toute pièce une circulation entre les strates de papier. Collage de hasard et de regard dans lequel les images, comme autant de butées sur lesquelles l'acte discontinu de trouer s'arrête, dans leurs rapports restituent l'agitation gratuite du monde prise comme un fossile dans des pages où le poids des mots est rendu à la gravité des choses. F.Goria
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Aby Warburg, Atlas Mnemosyne, Panneaux de l'exposition Rembrandt, 1926 |
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Aby Warburg, Mnemosyne, planche 77, 1929 |
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Truth Study Center, 2008 |
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Truth Study Center, Maureen Paley, upper Gallery, 2005 |
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Biennale de Venise, 2009 |
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Tintin au Tibet, Hergé |
Tous les photoreporters autorisés ont été informés par la Commission des photoreporters du rdp de ce qui suit : "Conformément à un décret de M. le Ministre de l'Education nationale et de la Propagande, les reporters photographes qui travaillent actuellement dans ce domaine ont le devoir, afin d'obtenir des photographies plus vivantes, d'utiliser des appareils de petit format. A l'avenir, la possession et la maîtrise parfaite de cet appareil constitueront la condition requise pour l'obtention de la carte spéciale (brassard rouge) délivrée par le ministère."
(...) Les raisons sont diverses qui justifient amplement ce décret. En effet ce n'est pas avec plaisir que, dans les cérémonies, on voyait arriver les photoreporters avec leurs gigantesques appareils. Fréquemment les photographes, travaillant aux vues de tout le monde, nuisaient à la solennité de la manifestation et il arrivait souvent qu'on se croie dans un studio de cinéma où tout n'est fait que pour être photographié et où les opérateurs sont les personnes essentielles. (...) Mais ce qui dérangeait le plus, c'était quand, au cours d'une manifestation entre quatre murs, les éclairs jaillissaient de tous les coins et venaient éblouir les orateurs et le public. (...)
Heinz Adrian, "De l'usage obligatoire de l'appareil de petit format pour les reportages photographiques" "Aktuelle Bildberichterstattung nur mit Kleinbildkamera", Gebrauchsfotografie, Halle, vol.44, 1937 in La photographie en Allemagne, anthologie de textes (1919-1939), Olivier Lugon, éditions Jacqueline Chambon, 1997
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Rodney Graham, Welsh Oaks (#1), 1998, photographie 121,9 x 91,4 cm |
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Rodney Graham, Allegory of Folly: Study for an Equestrian Monument in the Form of a Wind Vane, 2005
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Le rôle caractéristique de la langue vis-à-vis de la pensée n'est pas de créer un moyen phonique matériel pour l'expression des idées, mais de servir d'intermédiaire entre la pensée et le son, dans des conditions telles que leur union aboutit nécessairement à des délimitations réciproques d'unités. La pensée, chaotique de sa nature, est forcée de se préciser en se décomposant. Il n'y a donc ni matérialisation des pensées, ni spiritualisation des sons, mais il s'agit de ce fait en quelque sorte mystérieux, que la "pensée-son" implique des divisions et que la langue élabore ses unités en se constituant entre deux masses amorphes. Qu'on se représente l'air en contact avec une nappe d'eau : si la pression atmosphérique change, la surface de l'eau se décompose en une série de divisions, c'est-à-dire de vagues ; ce sont ces ondulations qui donneront une idée de l'union, et pour ainsi dire de l'accouplement de la pensée avec la matière phonique.(.…)
Ferdinand de Saussure, Cours de linguitique générale, 1916
"(…) Je tenais à cette idée des arbres isolés, difficiles à trouver en Colombie-Britannique, où il n'y a que des forêts. J'y voyais une image emblématique, quelque chose que l'on verrait dans un manuel sur la notion d'inversion en général, pour illustrer le mécanisme optique de l'oeil. Je me suis intéréssé à ce genre de motif schématique archétypal, j'ai réalisé une œuvre avec le Cours de linguistique générale de Saussure, où un arbre illustre la distinction entre le signifié et le signifiant. J'ai créé un étui à la Donald Judd pour un rare exemplaire de l'édition original suisse découvert par un de mes amis. (…)"